O comme O le méchant adulte!
O comme O secours, y a un adulte qui veut me manger tout cru!
O comme O badidon, ils sont pas gentils ces adultes!
O comme O là là, comme il a des grandes dents cet adulte!
O comme Orrible Ogre Omnivorace!
Vous l'avez compris, on va parler de l'Oppression de l'Adulte sur l'Enfant en littérature jeunesse.
O LE VILAIN ZADULTE! |
C'est parce que l'idée centrale de la théorie de la littérature jeunesse, dans le monde anglo-saxon en tous cas, c'est que la littérature jeunesse contribue à normaliser l'oppression de l'adulte sur l'enfant. On est dans une perspective théorique très influencée par les power theories, les théories du pouvoir (féminisme, Marxisme, critique queer, postcolonialisme, écocritique, etc). Du coup on a tendance à beaucoup détecter, dans les textes pour la jeunesse, les manières dont l'adulte caché organise le pouvoir de l'adulte sur l'enfant, en naturalisant les normes adultes au détriment des normes de l'enfance. Cette normativité de l'être-adulte, on l'appelle aetonormativité, d'après Nikolajeva (2010), et j'en ai parlé dans l'article sus-cité (ici pour les paresseux que ça saoule de remonter au paragraphe précédent) donc je ne vais pas me répéter.
Cette oppression s'exprime sur plusieurs niveaux, sur le fond et sur la forme: à travers le discours du livre jeunesse, le pouvoir de l'adulte se consolide et l'enfant apprend à s'envisager comme enfant, c'est-à-dire comme Autre de l'adulte, comme non-adulte, comme désirant-devenir-adulte.
Même quand un personnage enfant résiste apparemment, s'attaque au monde adulte, en bouscule les normes, en réalité ce n'est qu'un leurre; la situation à la fin du récit est un retour à la normale, au cours duquel l'adulte reprend le pouvoir physiquement et symboliquement. C'est toute la théorie de Roberta Seelinger Trites dans son magistral opus sur la littérature adolescente (2000): typiquement, le héros adolescent se rebelle, se rebiffe, se révolte, mais à la fin il est ramené par l'adulte à mener une vie en phase avec la société dans lequel il est né.
Moi, telle le Post-It, j'adhère un peu, mais pas complètement. Sans vouloir faire ma meuf ou quoi, le prédicat de toute ma thèse de doctorat, c'est qu'il y a un vaste problème dans cette perception monolithique de l'adulte comme oppresseur et de l'enfant comme victime.
Et ce problème, d'après moi, vient notamment de l'incapacité des power theories à théoriser la relation entre adulte et enfant. Ce ne sont pas les bons outils: elles fonctionnent un peu, mais en démolissant plein de trucs au passage. C'est comme essayer d'ouvrir une boîte de conserve avec un tire-bouchon: ça marche, mais après tes sardines elles sont tout éclatées et t'as de l'huile plein les doigts. Bref, je ne vais pas m'étendre sur mes raisons, parce que 1) j'ai pas encore publié à ce sujet et 2) c'est plein de jargon. Mais en résumé, chuis pas très d'accord.
Toute l'enfance est envahie par les adultes... Toute? Non! |
C'est justement parce que l'enfant n'est pas adulte qu'il a symboliquement accès à des caractéristiques que l'adulte a expulsées dans le concept d'enfance. Ce sont donc des caractéristiques qui sont hors du contrôle de l'adulte, hors du pouvoir de l'adulte, hors de portée de l'adulte. En faisant de l'enfant son Autre, l'adulte l'a aussi pourvu de pouvoirs aliénés. Quand O comme Oppression et comme Ostracisation devient O comme Opportunité et comme Opposition...
Et pour moi, la forme de pouvoir la plus cruciale qui est symboliquement donnée à l'enfant de cette manière, c'est la futurité, le temps qui reste - et on en parlera dans quelques jours autour d'une tasse de T.
Encore un billet O comme Obèse... Bon, la prochaine fois, on papote Paratexte!
Comme toutes les théories, il y a du vrai, il y a du faux. Rien n'est absolue je pense.
RépondreSupprimerParce qu'heureusement, les adultes ne se ressemblent pas entre eux, et les enfants non plus. Vraiment. Et pourtant, les livres (pas tous mais bcp), les médias ont pour objectif de nous cloner, de nous mouler comme de la pâte à pain. Je ne m'en étais pas aperçue avant de devenir maman.
Enfin, je me comprends ^^
Ce sont surtout des procédés inconscients plutôt qu'un objectif je crois. On s'auto-catégorise pour se localiser par rapport aux autres...
SupprimerHonte à moi, je ne connaissais pas ce concept d'aetonormativité ! j'ai même du mal à le prononcer ;-)
RépondreSupprimer"Paratexte", le RdV est noté ! j'ai testé cela lors de séquences pédagogiques sur l'album au collège. Idem avec l'intertextualité...
Pour cette idée d'oppression (super sujet), apprenons aux jeunes lecteurs à résister = à développer leur sens critique et une certaine auto-réflexivité.......
hé oui, bien d'accord...
SupprimerSuper article (encore!) et je crois que j'ai enfin compris pour de vrai ce que tu faisais. Je suis un peu lente à la détente, pardOn. En tout cas j’adhère comme un post-it tout neuf (Je me décolle juste sur "toute littérature jeunesse est par essence didactique", ou alors il faudrait bien bien définir didactique).
RépondreSupprimerJe me répète, mais mercis mercis pour ces belles tranches d'intelligence :-)
héhé t'inquiète, je suis pas non plus sûre d'avoir tout compris pour de vrai ce que je fais :p
SupprimerMerci!
Oui c'est un régal de te lire, même si j'avoue je comprends paas toujours tout ...
RépondreSupprimerabazutalor! faut que je sois plus explicite. J'ai une tendance au jargon c'est vrai!
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