Donc ce petit bouquin marque, après mes Sesame Seade et aussi mon Pépix qui sort l'année prochaine, Carambolanges: L'affaire Mamie Paulette (où il est question d'anges et angéliquement illustré par Eglantine Ceulemans), un moment de ma cârrière littérâire fortement intéressant puisqu'il s'agit du passage de 'rhô là là Clémentine elle est sombre et politique' à 'aaaah enfin c'est doux mou mignon et chou avec des trucs où on rigole'. Je ne démens pas qu'il s'agit là d'un changement assez radical qui me ramène avec nostalgie aux lectures de mon enfance, entre Fantômette, Fifi Brindacier, Tintin, le Petit Nicolas, Tom-Tom et Nana et autres Bennett et Astérix.
ceci est un dessin mirifique d'Eglantine comme tous ses dessins d'ailleurs |
Oh là tiens d'ailleurs! dis donc! je vous ai montré mon nouveau bracelet Fantômette? non? alors le voilà:
on a le droit d'être jaloux |
après bon il y en a certains qui sont un peu plus dérangés que d'autres, ex. ma soeur |
Mais il y a quelques mois, de nombreux auteurs ont commencé à faire valoir la 'middle grade fiction' ('MG' pour les intimes) comme une littérature essentielle, formatrice, pas seulement une littérature de transition. Les 'MG authors' du Royaume-Uni comme moi se regroupent désormais dans une antichambre de Twitter signalisée par son propre hashtag (#ukmg, #ukmgchat) et on a des rendez-vous secrets, par exemple à Londres ce samedi, avec notre propre poignée de main maçonnique.
En France, heureusement, il ne me semble pas que la situation de la fiction pour enfants de primaire soit aussi lamentable que dans les pays anglo-saxons. La plupart des blogs jeunesse chroniquent beaucoup de petits romans et de romans illustrés qui ciblent ces âges-là, vous ne trouvez pas? C'est mon impression en tous cas.
Puisqu'on est sur le sujet, voilà certaines choses top-secrètes que j'ai découvertes en commençant à écrire pour les enfants taille école primaire - et qui forment les joies et les contraintes de l'écriture pour les moyens-petits.
- Comment ne pas se retrouver avec un bouquin 'pour les filles' ou 'pour les garçons'
- J'ai un petit neveu mais il va pas aimer vos histoires, là.Le problème étant que même quand on dit et répète qu'on NE VEUT PAS UN LIVRE GENRé et qu'on écrit une histoire qu'on considère parfaitement dégenrée, l'éditeur dit oui oui bien sûr et au final on se retrouve quand même avec une couverture rose à paillettes ou bleu marine métallisé, et les chroniques se succèdent qui annoncent 'une histoire qui devrait plaire à toutes les petites filles' ou 'qui va enfin faire lire les petits garçons'.
- Ben pourquoi pas? C'est des histoires de détective.
- Oui mais c'est une fille la détective, il va pas pouvoir s'identif-...raahhhhhgghhh-
- Oups pardon je vous ai arraché la tête par accident.
alors que moi je veux des livres pour toutes les petites billes et tous les petits glaçons |
Alors comment faire? Franchement, à part envoyer dix mille emails au moment de la couverture en disant retire le rose, enlève les fleurs, change la typo et bon Dieu mais ARRETE de dire aux journalistes que c'est pour les filles!!! , y a pas grand-chose à faire. Cela dit, j'ai été plus ferme avec les Royal Babysitters qu'avec Sesame, et ça a payé. Naïvement, j'avais cru que Sesame, étant une série de détective à 0% de girlytude, n'allait pas être classé en lectures pour filles. J'avais tort: une ligne de rose en haut de la couv et un personnage central féminin ont suffi à l'estampiller 'fille'. Avec les Royal Babysitters, j'ai demandé à ce qu'on centre le personnage masculin, à alterner bébés et monstres marins, et à ne mettre ABSOLUMENT PAS DE ROSE. La couv est bien plus neutre et le 'pitch' aussi.
- On évite de commencer une histoire avec une fillette morte d'une attaque de bête sauvage
Or, il est apparu lors de ma première conversation téléphonique avec Tibo de Sarbacane (c'est bien, ça fait noble 'Tibo de Sarbacane' enfin il faudrait l'écrire 'Thibault' quand même) que ledit T. de S. n'était pas à 100% chaud pour qu'on ait une héroïne de 10 ans qui s'était fait déchiqueter la moitié du cou. Malgré le fait que le bouquin préféré de T. de S. est American Psycho, c'était pas le bon contexte pour ce personnage.
pas pépixable en tant que tel |
En Angleterre les prescripteurs sont hyper sévères sur ce qui est acceptable ou pas en termes de violence, de mort et de souffrance dans les bouquins pour primaire. En gros, la violence imagée ou grotesque à la Tex Avery, ça passe; la violence réaliste, non. Dans mon Royal Babysitters, le roi envahisseur veut maintenant transformer ses ennemis en boulettes de viande (OK pas de problème), alors que dans la première version du manuscrit il voulait les éventrer (ouh là non).
Un jour une libraire m'a dit, à propos du premier Sesame Seade, qu'un parent lui avait dit que quand même, elle est très violente cette phrase: 'Je me suis dit que quelqu'un l'avait peut-être coupée en tranches comme une aubergine pour une ratatouille'.
Les comparaisons à base d'agression envers les légumes sont donc à proscrire.
- Parent qui rit, parent à moitié dans ton lit
J'imagine (n'étant pas dotée d'une tripotée de mini-moi) que de devoir raconter des histoires à ton mouflet à huit heures et demie du soir alors que tu as envie 1) d'aller raconter à ta moitié que ce connard de Dulac a encore eu une augmentation et pas toi, 2) d'aller lire la liste de trucs Buzzfeed que t'as vu en diagonale postée sur le profil Facebook d'un pote, 3) de noyer ta crise de la quarantaine dans un verre de quelque chose, ça fait que tu n'es pas extraordinairement motivé pour lire un chapitre de plus de Choupinet Loulou, le lapin blanc qui avait une toute petite queue en forme de boule de coton.
pensée secrète: "Si je trouve l'auteur je le tue" |
- De l'action, de l'action, de l'action
Au début, peut-être, on a quelques inhibitions parce que ce genre de récit ne semble pas assez 'psychologique' ou profond. Mais en fait, il peut tout à fait l'être, parce que même en étant constamment dans l'action on peut avoir...
- ...des récits qui 'résonnent'
L'arbre sans fin, Claude Ponti |
- Des histoires 'totales'
pas de Framboisy sans Fantômette, ni de Ficelle sans Boulotte |
Bon j'en reste là, mais je compte sur vous, chers auteurs 'middle-grade', pour me dire en commentaire ce qui vous attire dans ce type d'écriture.
J'écris également pour les "middle grade" et si je ne saurais dire ce qui de manière aussi académique ce qui m'intéresse dans cette littérature, je peux par contre dire ce que j'aime de ses lecteurs: Ils sont assez vieux pour comprendre des intrigues complexes, mais assez jeune pour embarquer sans résistance dans n'importe quel univers, aussi loufoque soit-il! Un âge parfait! Vive les 9-11!
RépondreSupprimerCela dit, est-ce que tu nous refilerais quelques adresses de ces blogues de littérature française middle-grade?
Oui exactement! moins d'inhibitions que les plus grands, et plus de complexité que les tout-petits :)
SupprimerAnne Loyer sur Enfantipages chronique souvent des livres 'middle-grade', ainsi que La mare aux mots.
Je connaissais la Mare aux mots, mais pas Enfantipages! Merci du tuyau!
SupprimerChoupinet Loulou, le lapin blanc qui avait une toute petite queue en forme de boule de coton.
RépondreSupprimerpromets-moi que tu vas l'écrire celui-là.
Vas-y, dis-le.
peut-être un jour, peut-être...
SupprimerPassionnant... Désolée commentaire pas très constructif, mais j'avais pas pensé à tout ça et je saurais pas quoi pensé d'autre, mais je retourne à ma 5e correction de MG reboostée. Et je grrrr avec toi pour le rose sur la couverture (enfin, je grrrr encore plus sur cette habitude d'exclure tout rose pour les garçons, parce que moi j'aime bien le rose et je ne vois pas en quoi il est plus fille que le bleu marine. D'ailleurs il existe des cochons roses hommes très viriles, et des demoiselles baleines bleues très féminine, ce doit être hyper complexe dans la construction identitaire... je vais mettre la spa sur le coup, tiens.)
RépondreSupprimeridem, c'est hyper frustrant ces limitations d'autant plus que le rose, à la base historiquement, c'était pour les garçons uniquement!!!
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