Mais ces deux langages interagissent de différentes manières…
Ma directrice de thèse ayant écrit avec une copine ce qui est devenu depuis la bible de l'analyse de l'album jeunesse dans le monde anglo-saxon (How Picturebooks Work, Nikolajeva & Scott, 2000), je me suis dit que j'allais écrire un petit billet sur ce qu'elles disent des différents rapports texte-image dans l'album jeunesse. Juste comme ça, parce que c'est intéressant. Oui oui.
1) Rapport symétrique ou de répétition
Comme ici dans cette page de Roule Galette, par Caputo et Belvès, un rapport symétrique ou de répétition s’établit quand l’image et le texte ‘disent’ la même chose, ou que le texte en dit beaucoup et que l’image illustre un aspect du texte.

2) Rapport d’augmentation
Dans cette planche de l’un de mes albums préférés, Pétronille et ses 120 petits par Claude Ponti, l’image dépasse de loin le texte en importance, détail et information. Ici le rapport entre texte et image est un rapport d’augmentation : c’est en regardant l’image que l’enfant lecteur augmente sa compréhension de l’album.

3) Le contrepoint
Un contrepoint émerge lorsque l’image nous offre une signification alternative, et la signification de l’album s’en trouve ainsi modifiée. L’image centrale de l’album A calicochon, d’Anthony Browne, offre un exemple parfait de ce phénomène : alors que le billet de la maman parle au sens figuré (‘Vous êtes des cochons’), la patte qui tient le mot nous montre la portée littérale de ce jugement…

Et alors que les garçons et leur père se métamorphosent en cochons, cette transformation n’est jamais mentionnée dans le texte.
4) Rapport de contradiction
Apothéose du rapport texte/image dans l’album jeunesse, la contradiction est créée par un texte et une image qui ne sont pas du tout, mais alors pas du tout d’accord. Jan Pienkowski, dans son livre pop-up ultracélèbre La maison hantée, repose presque entièrement sur cette astuce.

Voilà, fin de cette petite promenade. Il y a des possibilités infinies de relations entre texte et image, et plus on s’éloigne de la simple illustration, plus on se rapproche du graal du médium, l’album jeunesse dit postmoderne, où la signification n’est ni simple ni claire, et où on demande au lecteur de faire la moitié du travail…