J'ai regardé la semaine dernière la cérémonie d'ouverture des JO en Anglicheland, et bien qu'elle ne m'ait pas fait pleurer des larmes rouges, bleues et blanches comme tous mes potes sur Twitter et Facebook , j'ai été délicieusement surprise de constater la place central occupée par la littérature jeunesse dans la brève histoire du Royaume-Uni racontée par Danny Boyle.
Si elle avait pris place en France (ouh là, terrain miné), je ne pense pas que Timothée de Fombelle aurait lu un extrait du
Petit Prince, qu'un énorme Babar en ballons aurait été trimballé au-dessus du stade ou qu'on aurait rejoué
La Belle et la Bête. On aurait peut-être eu droit à quelques blagounettes d'Astérix, mais le reste aurait sans doute été dévoué à des exemples plus 'élevés' de Gaulitude.
En Belgique, bon, on aurait eu Tintin, mais ils ont moins l'embarras du choix.
Dans le spectacle pyrotechnique et déjanté de Boyle, une lecture de
Peter Pan par Jo Rowling a été suivie d'une armée de Mary Poppins dégommant un Voldemort géant à coups de parapluie magique. Ni Sherlock Holmes ni Hercule Poirot en guest-star; Jane Eyre a dû décliné pour cause de petite allergie au feu; Mr et Mrs Darcy devaient être tranquillement en train de prendre le thé à Pemberley; et Oscar Wilde était sûrement en train de twitter de nonchalants aphorismes sur l'égarement de son invitation par Royal Mail. Mais leurs petits copains du rayon littérature jeunesse, eux, étaient en plein sous les projecteurs.
Sa Majesté JKR
Il y avait aussi des enfants partout. Des enfants qui lisaient. Des enfants qui lisaient des vrais livres. Avec une lampe de poche. Sous les draps. Bon, à part le fait que c'est terriblement idéalisant, romantifiant et objectifiant (concession nécessaire pour tous les critiques de littérature jeunesse qui pourraient se trouver dans les parages), ce n'est pas anecdotique.
Je ne sais pas combien de millions de gamins ont regardé cette cérémonie, mais l'image de l'enfance qu'elle renvoyait était associée à la légitimation, la spectacularisation, la sublimation des livres et des histoires. Le message, c'est que la littérature jeunesse est tellement importante ici qu'elle mérite de figurer, longuement et avec au moins un peu de sérieux, dans un spectacle pharaonique et international surtout regardé par les adultes.
Et sponsorisé par Coca-Cola, évidemment. Mais je ne parlerai pas de la face cachée de cette idéologie de l'enfance dans ce billet-ci. Il y a un temps pour tout.