D'abord, une petite vidéo, pour ceux qui ne l'auraient jamais vue...:
'Un magazine est un iPad qui ne fonctionne pas'
Les applications pour enfants sur tablette sont de plus en plus nombreuses, et d'ailleurs en écrivant ce billet je vois que ces derniers jours s'est déroulé le premier 'Salon du Livre de Demain', lors duquel a notamment été récompensée l'appli de ma pote Séverine Vidal, Conte du Haut de mon Crâne.
Ce genre de choses, en gros, suscite deux discours:
1) Catastrophisme ériczemmourien:
'Que va devenir la littérature, ma bonne dame, avec tous ces trucs-machins électroniques qui font semblant d’être des livres pour enfants? Moi à quatre ans, je lisais la Critique de la Raison Pratique, pas la version ipadisée de Spot fait un dessin!'
2) Jeunisme nikosaliagasesque:
'C'est qui ces gros losers qui sont encore en train de lire des bouquins en papier? Comment ils sont trop yesterday, quoi! Et puis toute façon, maintenant c'est inévitable, c'est déjà là donc il faut s'y faire et puis voilà.'
Honnêtement, je caricature à peine. Il faut voir les débats fort élevés sur le sujet qui donnent lieu à de bloguesques rages. Mais qu'en pensent les chercheurs en littérature jeunesse?
Eh bien... pas encore grand-chose. En fait, on attrape un peu le train en route; il y a encore peu de recherches académiques sur le sujet. Mais il y en a de plus en plus, c'est évident: cette année, le colloque de l'International Research Society for Children's Literature et celui du Child and the Book (deux grands rendez-vous internationaux en littérature jeunesse) ont pour thème les technologies et le multimédia en littérature jeunesse.
Une autre appli dont on entend parler ces jours-ci, chez Audois & Alleuil |
Si on clarifie un peu le territoire de recherches qui s'annonce, on a plusieurs approches possibles:
L'approche esthétique: 'à quoi ça ressemble?'
pas (encore) à ça |
L'approche pédagogique: 'à quoi ça sert?'
C'est surtout elle qui concentre les débats idéologiques. Il est trop facile d'affirmer que l'enfant accro à l'écran n'apprend pas, ne mémorise pas, ne comprend pas aussi bien que le lecteur estimé plus 'actif' d'un lire 'en dur'. Il est également ridicule de faire un bel auto-dafé des codex en affirmant que l'avenir appartient aux lectures multimédia.
C'est un livre! de Lane Smith |
Mais ce qu'on voit avec les 'digital natives', c'est que même pré-lecteur, l'enfant... est capable tout seul d'accéder au texte. On voit revenir les angoisses vis-à-vis de la télé, baby-sitter et institutrice. Le bébé qui tapote un ipad, ouvre une appli, se fait lire un livre, c'est le bébé déjà hors du contrôle de l'adulte. Mais bon, hors du contrôle, c'est beaucoup dire, car qui a téléchargé les applis? En fait, il n'y a aucune raison de dramatiser. Contrairement à la télé, et jusqu'à assez tard dans l'enfance, le parent est toujours là pour encadrer, même absent de l'événement de lecture.
Les questions centrales de l'approche pédagogique, ce sont les suivantes: l'enfant-consommateur d'applis est-il plus ou moins passif que l'enfant lecteur ou co-lecteur de codex? Apprend-il à développer d'autres formes de lecture? Et a-t-il accès à des applis de qualité? - ce qui nous ramène au questionnement esthétique.
L'approche disciplinaire: 'qui est-ce que ça concerne?'
Les lettres? Les sciences de l'éducation? L'étude des médias? Tout le monde se refile plus ou moins la patate chaude de couloir en couloir dans la tour d'ivoire. Très franchement, personnellement, les applis, ça m'intéresse très peu comme objet d'étude. Ou du moins, pas plus que les dessins animés, les jeux vidéo pour enfants, etc - tous ces autres médias dont je suis ravie qu'ils soient étudiés, mais pas par moi. Je ne me sens absolument pas 'obligée' de les étudier parce qu'ils font maintenant partie des productions culturelles pour la jeunesse, et je n'ai pas vraiment l'impression qu'ils soient une 'menace' pour le livre dur. Pour moi, c'est un médium complètement différent, qui requiert une grille d'analyse différente, c'est tout.
Et dédramatiser un peu ce qui est, selon moi, beaucoup moins révolutionnaire que le contexte dans lequel il émerge: celui d'un monde technologique aisément accessible aux prélecteurs et non-lecteurs, qui modifie l'équilibre de pouvoirs entre adulte et endant, et qui développe de nouvelles formes de littératie.
De nouvelles formes de QUOI?
... de littératie, voyons. Comme on le verra lundi, avec un L comme Lundi. Et comme Littératie.
Fascinant, instructif et drôle votre billet. Merci encore de nous faire si bien réfléchir.
RépondreSupprimermerci!
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup votre article qui particpe à l'élaboration de ma réflexion autour de la littérature jeunesse et le multimédia.
La petite bibliothèque ronde de Clamart travaille activement sur le thème "les nouvelles pratiques culturelles des enfants face au numérique".
Voici les liens pour plus d'infos http://www.lapetitebibliothequeronde.com/La-bibliotheque/Nos-projets/Anticiper-l-evolution-des-pratiques
http://www.lapetitebibliothequeronde.com/Ressources/Dossiers-thematiques/Culture-Enfance-Numerique
http://www.enfance-lecture.com/
Voila
Merci pour vos articles toujours très intéressants et bonne continuation.
Clémence
Merci pour ces précisions et ces liens informatifs car comme vous pouvez le voir je ne suis pas du tout experte en la matière! bonne continuation à vous aussi
SupprimerJe souhaiterai savoir si vous accepteriez que je partage votre article sur mon compte Facebook. J'ai des amies bibliothécaires et appartenant aux métiers du livre qui serait intéressées.
RépondreSupprimerJe peux aussi le faire par mail me direz vous.
A vous de choisir
Clémence
bien sûr! avec plaisir. Il est public de toute façon :)
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