cet auteur-là |
Alors, est-ce que les auteurs pour enfants doivent forcément aimer les enfants, chers amis? Vous avez quatre heures avant que je ramasse les copies.
Et je veux dire vraiment aimer les enfants, hein, pas juste les tolérer. Est-il impératif que leur niveau moyen de joyeuseté s'envole quand ils aperçoivent ces mignons petits êtres? Doivent-ils à tout prix ressentir une mystérieuse connexion en la présence de ces adorables humanoïdes? Après tout, il y a des dizaines d'auteurs pour adultes qui se foutent complètement de leurs lecteurs et/ou affichent la plus grand antipathie à leur égard. On ne demande jamais à un auteur 'pour adultes' s'ilouelle aime les adultes.
GRAZIA. 'Monsieur Michel Houellebecq, vous avez toujours écrit pour les adultes. C'est parce que vous aimez particulièrement les adultes?'
©Mariusz Kubik |
C'est, en effet, pas demain la veille.
Il y a des auteurs qui aiment écrire pour les enfants parce que la littérature jeunesse est, bis repetita, une plate-forme littéraire extraordinaire et stimulante, mais qui n'ont rien de spécial à dire aux enfants en-dehors des livres qu'ils écrivent.
Quand on dit qu'on aime les enfants, quelle est la part de cette déclaration qui concerne les vrais enfants, et celle qui concerne l'idée d'enfance? La littérature jeunesse nous permet de jouer avec des concepts, des formes artistiques et narratives, des motifs qui ont trait à l'enfance, mais comme je l'ai dit quatorze mille fois sur ce blog, pas forcément aux vrais enfants réels.
Je crois que j'aime les vrais enfants. J'ai la forte impression que j'aime leur parler, être avec eux - ils me font marrer, ils me surprennent et ils m'émerveillent, et je pense que je me sens heureuse quand je suis entourée d'une ribambelle de gamins. Mais objectivement, cette généralisation ne peut fonctionner sans l'idée préexistante que l'enfant est doté d'une propriété spéciale, c'est-à-dire, sans un idéal de l'enfance qui vient placer un écran d'illusion entre moi et les individus en question.
Parce que c'est un peu comme quand on dit: 'J'adore les chats'. Oui, j'adore les chats. Mais en fait non. Je n'adore pas tous les chats. Bizarrement, je préfère les chats qui sont tout gentils et qui ronronnent, pas ceux qui griffent et qui mordent, merci bien. Et oui, j'adore les enfants. Mais en fait non. Quand j'entre dans une classe, oui, j'avoue, j'ai tendance à préférer les petites Hermione qui lèvent la main toutes les deux minutes avec des questions intelligentes aux deux du fond là-bas qui en proie à une puberté précoce fortement homonogénératrice me jettent des regards lubriques et ricanent et se murmurent des trucs dans l'oreille.
Exemple de chat adorable. |
Il y a des gens qui aiment juste écrire et pour eux, aller dans les écoles pour parler aux vrais enfants réels qui bougent est un aspect bien relou du boulot, comme remplir sa fiche d'impôts ou négocier son contrat pour 0,0004% de plus de droits d'auteurs (si plus de 10 000 exemplaires vendus en vingt minutes). Et puis il y a les autres comme moi, qui se baladent avec enchantement parmi les enfants comme des bonnes fées bienfaisantes, et qui voient leur travail comme une sorte de mission spéciale pour et avec les petits nenfants, incapables de comprendre comment il est possible que d'autres auteurs écrivent pour un lectorat dont les représentants 'réels' ne leur font ni chaud ni froid.
Génial. Comme d'hab' !
RépondreSupprimerEt j'espère bien, comme toi, ne jamais faire partie des ilouelle ;-)
extra. J'en ai rencontré pas mal des blasés de la vie, qui ne s'émerveillent pas, qui ronchonnent.
RépondreSupprimerMais qui passent aussi très mal auprès des classes, en fait...
oui super et drôle et fin. Admiration.
RépondreSupprimerBizarres ces ilouelles qd même ! Ça me fait un peu penser à Autre-Monde, ces Cyniques qui détestent les gamins car ils en ont peur ;)
RépondreSupprimerC'est tout de même un paradoxe de notre métier, qu'un de ses aspect consiste à rencontrer de gens, tant dans les milieux scolaires que durant les salons du livre. Après tout, c'est un métier qui est supposé consister à passer des heures assis tout seul face à l'écran! On ne le choisit pas sans un certain goût pour la solitude!
RépondreSupprimerJe suis de ces auteurs dont le visage s'illumine à la seule vue d'un enfant; en partie, je l'avoue, à cause de mon cœur de maman et de grand-maman. Je suis d'accord avec Annie sur le fait que les auteurs doivent apprécier la solitude, mais pour moi c'est une question d'équilibre. Bien sûr, les rencontres avec les lecteurs sont nécessaires pour faire la promotion d'un livre, mais aussi pour rester connecté à son lectorat. J'ai peine à croire qu'un livre puisse être vraiment populaire auprès des enfants, si son auteur a oublié qu'il a lui(elle)-même déjà été un enfant. Un auteur jeunesse a, je crois, une responsabilité morale et intellectuelle envers ses lecteurs; contrairement à celui (celle) qui écrit pour les adultes.
RépondreSupprimerCela dépend de pour qui on écrit, pour soit ou vers les autres. Si la demarche est personnelle et salutaire ms si ca plait et se vend encore mieux ou si on ecrit pour etre lu, en pensant a ce qui va plaire au public concerné et en s' adaptant même un peu. Aucun des deux n'est mauvais cest simplement différent. Après cela peut sembler curieux si on écrit pour les enfants sans les aimer mais après tout aimer raconter un certain type d'histoire se suffit a lui meme.
RépondreSupprimerhaha quel con ce Houellebecq. :-))) bel article
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