lundi 20 février 2012

Bientôt, Les poux...

Il sortira à la rentrée chez Sarbacane, il s'appelle Les poux, c'est un roman jeune adulte, court et sombre et urbain, et j'ai hâte de le tenir entre mes mains...


Paris, VIIe arrondissement, huit heures du matin. Comme souvent, David, Elise, Gonzague, Anne-Laure et Florian, sans Marguerite qui est coincée à Levallois à cause des grèves, et sans Mathieu qui n'est plus là, décident de sécher les cours. Mais ce jour-là, leur matinée buissonnière ne se passe pas comme prévu. Par désoeuvrement, par ennui, par ressentiment, et pour d'autres raisons qu'ils ne saisissent qu'à demi-mot, ils enlèvent une fillette à l'entrée d'une piscine. Une fillette qui a des poux.

C'est David, le plus faible et le plus sensible de la bande, qui raconte cette journée-charnière dans la vie de cinq lycéens des beaux quartiers de Paris.

lundi 13 février 2012

Tour on the Books: l'interview de Sylvie Baussier

Dans le cadre du Tour on the Books, blog d'interviews croisées d'auteurs lancé par Mélanie Lafrenière, j'ai eu le plaisir d'interviewer Sylvie Baussier, auteure de livres documentaires et de fiction pour enfants!


1) Bonjour Sylvie! double question classique pour mieux te connaître: comment es-tu venue à l'écriture, et pourquoi écris-tu (en majorité) pour la jeunesse?

J’ai toujours tourné autour des livres… Les livres, les histoires, c’est ce qui m’a permis de tenir la tête hors de l’eau quand j’étais gamine et que ça n’allait pas toujours bien dans ma famille et dans ma tête. Mais il me manquait, sans que je le sache, des gens et des livres qui m’aident à comprendre ma réalité. J’ai fait des études de lettres, puis de bibliothécaire, puis j’ai été éditrice pour des encyclopédies grand public pendant une dizaine d’années. Je cherchais ma voie, je suppose.

Donc il y avait la lecture, et en parallèle l’écriture, par bribes. Mais en faire mon métier… C’est comme si on m’avait dit qu’un jour des rats allaient se transformer en laquais, des citrouilles en carrosse… Carrément impossible!
Et puis il y a eu un déménagement, une période de chômage, des interrogations, des routes possibles… Les premiers livres que j’ai publiés, chez De La Martinière, il y une quinzaine d’années, parlaient du deuil et du handicap: j’écrivais pour les ados des livres que j’aurais bien aimé avoir sous la main à leur âge. J’ai donc publié un livre, puis deux, puis trois… Et j’ai vu s’ouvrir une possibilité : vivre de ma passion!

2) Quand on regarde ta bibliographie, on est impressionné par le nombre de livres informatifs pour enfants et adolescents. Qu'est-ce qui te plaît particulièrement dans ce type d'écriture? Qu'essaies-tu d'éveiller chez les enfants?

J’écris des documentaires parce que j’adore apprendre, et tenter d’ouvrir des univers aux enfants et aux jeunes. Bien sûr, tout est à portée de leur main, théoriquement, avec l’Internet. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le documentaire pour la jeunesse connaît une crise. Pourtant, les recherches d’information sur le net demandent souvent des compétences dignes d’un documentaliste, et ne dispensent pas d’une vision du monde. Lire des infos sur les droits des enfants sur des sites, par exemple, n’aide pas forcément à comprendre la balance entre droits et devoirs ! C’est bien pourquoi écrire un livre documentaire demande un travail fou… Un travail qui semble invisible… Comme s'il n'y avait pas d'auteur!

Cela dit, pour moi l’écriture est un chemin. La fiction m’a très longtemps intimidée, et je m’y fais enfin un chemin, seule et en duo. Pour moi, c’est un bonheur!

3) Tu as publié récemment chez Oskar deux romans sur les catastrophes nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima (coécrits avec Pascale Perrier). Peux-tu nous en dire plus sur ces deux romans? Comment l'idée est-elle née, et comment avez-vous écrit l'histoire à deux?

J’ai commencé à écrire avec Pascale Perrier il y a trois ans environ. Nous avons débuté par un roman qui va sortir chez Oskar au printemps 2012 sous le titre “Classé confidentiel”. Nous avons beaucoup aimé travailler ensemble, nous aider mutuellement à avancer… 25 ans après la catastrophe de Tchernobyl, nous avons voulu montrer par une histoire que ce événement n’est pas que du passé : c’est aussi, malheureusement, le présent de milliers de gens qui habitent autour du site. Et quand ce livre est sorti a eu lieu la catastrophe de Fukushima. Les éditeurs nous ont proposé d’écrire sur ce sujet. Nous avons hésité, et pris notre décision: il fallait faire saisir aux enfants ce que le Japon avait subi. Ce qui nous pend au coin du nez. Là encore un vrai roman. Transformer la matière d’une veille documentaire quotidienne en fiction a été un vrai défi!

Pascale et moi adaptons notre travail à deux selon les projets: c’est très souple. La constante: un grand respect mutuel, pas de concurrence, de la bonne humeur, et le désir de créer les histoires les meilleures possibles!

4) Tu as aussi publié un album sur les sans-papiers, un autre sur Henri Dunant... Te décrirais-tu comme une auteure 'engagée'? est-il important pour toi que tes romans et albums expriment un commentaire sociopolitique?

Je me sens très concernée par ce qui se passe dans le monde. “Courrier international” est l’une de mes lectures quotidiennes. Et je me sens souvent indignée ! Pour moi, écrire est une façon d’agir, de la façon qui est le plus à ma portée. Je fais partie de RESF, et Amin sans papiers est un album qui découle de cet engagement. Raconter la vie d’Henri Dunant, qui aurait pu choisir une vie bourgeoise et confortable mais a préféré défendre toute sa vie la cause des blessés de guerre et créer la Croix Rouge, c’est raconter que nous avons tous le choix de nos actes.

5) Quand tu n'écris pas, que lis-tu? Qui sont tes auteurs et quels sont tes livres préférés, ou qui t'inspirent particulièrement, pour enfants et pour adultes?

Parfois, il m’est arrivé de me sentir mal, et de réaliser pourquoi; je n’avais lu aucune fiction depuis une ou deux semaines! Lire m’est aussi indispensable que respirer (bon, un peu moins, d’accord!). Je ne m’inspire pas spécialement d’un auteur ou d’un autre quand j’écris, mais il y en a plein que j’admire! Pour en citer quelques-uns : Roald Dahl, Philip K. Dick, Murakami, Marie N’Diaye, Arto Paasilina… En ce moment je lis Tobie Lolness, de Timothée de Fombelle, que je trouve très bien fait. J'aime beaucoup aussi Combat d’hiver de Jean-Claude Mourlevat… Mais la liste serait sans fin! D’ailleurs j’ai fini par taper sur Word une liste de mes livres préférés, et j’adore les échanges de coups de foudre littéraires! Si cette liste intéresse quelqu’un, elle est à votre disposition!

6) Sur quoi travailles-tu en ce moment, et sur quoi rêves-tu de travailler dans le futur?

Je peaufine pour la collection “Histoires de la Bible" chez Nathan un roman inspiré du personnage d’Abraham; je prépare une série de romans pour plus jeunes dont les premiers vont paraître en juin (chez Nathan aussi), j’écris pour les ados chez Gulf Stream, sur les langues et les rêves (collection “Et toc”) et je poursuis mon aventure pour les Kididoc, des livres animés passionnants à mettre au point… Et je poursuis mes aventures littéraires avec Pascale! Eh oui, c’est éclectique, un peu comme mes lectures. En tout cas je vis de ce que j’aime faire, et ça, c’est aussi merveilleux que de voir une citrouille se transformer en carrosse!

Voici l'adresse du site de Sylvie
http://baussier-auteur.monsite-orange.fr

Et quelques titres parus:
- T'as la tchatche! ill.A. Rouquette; coll. Et toc! ed. Gulf Stream, 2012
- Le Kididoc des Comment, ill. Didier Balicevic, éd Nathan, 2011
- Japon touché au cœur, Fukushima, roman co-écrit avec Pascale Perrier, éd Oskar, 2011
- La Course au pôle Sud : Amundsen et Scott, éd. Oskar, 2011
- Le travail, tout un monde! ill. Elodie Balendras, éd Milan, 2011
- Le Kididoc des Pourquoi, ill. Didier Balicevic, éd Nathan, 2010
- La fabuleuse histoire de l'empire du Ghana, ill par Dialiba Konaté, Le Seuil, 2010
- Le Grand livre de la vie et de la mort, illustré par Sandra Poirot Cherif, éd Milan, 2010
- Handicaps… Le guide de l’autonomie, Hydrogène, de La Martinière, 2008

dimanche 12 février 2012

Podcastinage

Voilà un nouvel épisode de notre podcast en angliche, Kid You Not, sur le site de Kid You Not!

Cette fois il est question de la littérature pour enfants informative ('non-fiction'): livres de science, d'histoire, mais aussi de recettes, de blagues, etc.

Vous pouvez vous abonner sur notre page iTunes!

samedi 11 février 2012

Pseudonymous

Il y en a comme Romain Gary qui prennent un pseudonyme pour gagner deux fois le Goncourt. Il y en a d'autres, comme moi, qui prennent un pseudonyme par précaution. Ceci est le récit de ma courte expérience d'écriture sous pseudonyme (et non, vous ne saurez pas ce que j'ai écrit, ni mon pseudonyme): pourquoi je l'ai fait, ce que j'ai appris, et ce que j'en pense maintenant que c'est fini.

Il y a à peu près un an, grâce à une amie qui est aussi dans le milieu, j'ai fait des essais, qui se sont avérés concluants, pour une série de romans pour enfants pour la presse. Hyper bien payé, évidemment, mais consignes drastiques: un cahier des charges digne d'un exercice de techno au collège.

Le problème, c'est que sans entrer dans les détails, c'était une collection de romans extrêmement, intensément, voluptueusement commerciale. Si vous vous souvenez de mon billet sur la paralittérature de la paralittérature, c'est exactement ça: un type de fiction 'de genre' qui, dans mon domaine universitaire au moins, est vraiment très - trop - connoté. Par peur de compromettre ma carrière académique, j'ai décidé d'écrire sous pseudonyme. Etre professeur en littérature jeunesse et avoir écrit des romans jeunesse, c'est déjà pas sérieux: mais alors en plus, ce genre de romans!...

Evidemment, j'ai des convictions fortes, comme chacun sait, et il était hors de question de publier sous pseudonyme pour les contourner. C'était de la littérature de genre, mais pas de la littérature intrinsèquement sexiste - j'aurais refusé direct. Et en fait, sur les conseils de ma mère qui a toujours de bons conseils, en écrivant ces livres je me suis amusée à respecter certaines conventions du genre mais aussi à en transgresser beaucoup. Parfois l'éditeur a dit non, la plupart du temps il a dit oui. Je me suis retrouvée dans une situation que je n'aurais jamais imaginée: à écrire des romans supra-commerciaux mais semi-subversifs.

J'ai appris énormément de choses en écrivant ces romans. Ecrire rapidement; trouver toujours des nouveaux rebondissements; écrire des descriptions courtes et intenses, des dialogues drôles et réalistes; et surtout structurer à l'avance - structurer, structurer, structurer. Réussir à résoudre trois problèmes et à en créer un nouveau dans un seul chapitre. Et enfin me débarrasser de beaucoup de préjugés sur ce type de littérature. Sur le coup, je trouvais ça stressant et parfois même humiliant - rétrospectivement, je m'aperçois que je me suis bien amusée et que c'était une expérience vraiment enrichissante.

Mais surtout, je suis assez fière du résultat, moi qui suis généralement ultracritique envers mes textes. C'est de la bonne littérature de genre. Hors de question pourtant de me réconcilier avec mon pseudonyme officiellement, car je ne peux pas y être associée, encore une fois pour des raisons universitaires. Appelez ça de la lâcheté si vous voulez...

La série n'a pas duré, malheureusement ou heureusement. Les romans étaient vendus sous plastique avec un magazine, et franchement les couvertures étaient vraiment hideuses, le magazine peu intéressant, et tout le marketing était assez mal fait, sans parler de la distribution (on ne les a jamais vus dans un Relay...). Du coup le magazine s'est mal vendu et ils l'ont discontinué. C'est dommage dans un sens car je crois que la série aurait vraiment pu marcher sans ces problèmes cosmétiques. Je n'arrête pas de me dire que je devrais essayer d'en faire d'autres (pas sur ce thème, mais des séries 'commerciales' comme ça), et puis non, dans le temps très limité dont je dispose pour écrire, je préfère quand même faire des livres plus 'intello', plus 'profonds', plus 'gratifiants'.

Pourtant je conserve beaucoup de tendresse pour ces petits bouquins et je suis heureuse d'avoir eu l'occasion, pseudonymement, de balayer mes préjugés et d'améliorer mon style, ma structure et mes stratégies de caractérisation en les écrivant.

jeudi 2 février 2012

Littérature jeunesse: la très lente agonie de l'auteur

[Marche funèbre] [Minute de silence] - Chers amis, nous sommes réunis ici ce soir pour rendre hommage à quelqu'un qui nous était cher, l'Auteur, dont le décès soudain des mains de M. Roland Barthes, serial killer d'auteurs, nous a laissés orphelins...

REWIND

Depuis Barthes et son célèbre article sur la mort de l'auteur (1968) (et même avant, hein- je fais un peu ma franchouillarde en mettant tout sur le compte de ce bon Roland), chacun sait dans le microcosme de la critique littéraire moderne que l'intention et l'opinion de l'Auteur quant à son Oeuvre sont à la fois inconnaissables et indésirables.

En d'autres termes et à titre d'exemple, Sandrine Beau, t'as beau avoir écrit Des crêpes à l'eau que je suis en train d'analyser dans ma thèse de doctorat, eh bien figure-toi que ton opinion ne m'intéresse pas! Tu es le pire juge de ton oeuvre! Tes intentions n'ont aucune valeur à mes yeux! L'auteur est mort, vive le lecteur, comme dit l'autre!

Mais pas tout à fait. Car c'est là que le bât blesse: contrairement à notre pote Roland, j'étudie la littérature jeunesse (au cas où vous étiez pas au courant).

En critique de littérature 'adulte', il est désormais convenu que l'on ne dit pas 'l'auteur veut dire', 'l'auteur essaie ici de', etc, à moins de faire une analyse biographique, historique, ou psychanalytique (mais c'est fiévreusement démodé, très cher ami). A la place, on dit 'le texte communique', 'le texte tend ici à faire ceci ou cela': le texte, lui, a le droit de vouloir dire.

Cela permet une immense liberté analytique et une pratique véritablement créative de la critique. Oui, car avant, quand l'Auteur était vivant, c'était comme si le texte renfermait un Message que le lecteur devait déchiffrer, et ensuite c'est tout. Fermeture absolue du texte, clef dans la poche de l'auteur. Mais maintenant que l'Auteur a le bon goût de nous laisser tranquille, on crée quand on critique: on fait se rencontrer Shakespeare et Kant, on délivre Frankenstein du journal intime de Mary Shelley, et on décode Homère avec notre regard de maintenant, sans complexe. En littérature adulte, un bon auteur est un auteur mort.

Mais en littérature jeunesse tout est plus compliqué (et aussi beaucoup plus intéressant bien entendu) car à la base de la critique de la littérature jeunesse, comme je l'ai déjà dit ici, se trouve le notion que ce médium articule au niveau symbolique la relation adulte-enfant du point de vue de l'adulte. Un corollaire de cet axiome, c'est que c'est un médium traversé par un élan pédagogique (certains diront qu'il est irréductible). Ignorer volontairement l'intentionnalité de l'auteur réel, c'est donc peut-être se priver d'un axe important de notre pratique critique: notre intérêt pour la dimension éducative du médium qui en fait sa caractéristique. Cette dimension n'est pas l'apanage de l'auteur/illustrateur: elle est aussi modulée par les autres créateurs-médiateurs de l'oeuvre jeunesse: agents, éditeurs, designers, etc.

Evidemment, on peut faire une analyse critique du livre de jeunesse comme on le ferait en littérature adulte, en disant 'le texte dit' et en ignorant le créateur réel. C'est ce que je fais la plupart du temps, car par la faute de mon éducation traditionnelle, écrire 'l'auteur veut dire' fait mal à mon azerty.

Mais comme certains critiques du médium l'ont déjà noté, se dé-Barthésiser un peu bénéficierait sans doute à notre discipline. Parce qu'on n'étudie pas un livre pour enfants comme on étudie un livre pour adultes, et que le livre de jeunesse est un outil omniprésent d'acculturation, de socialisation et potentiellement de politisation d'une population dépourvue d'un très grand nombre de pouvoirs sur la scène publique (les enfants). Vu comme ça, est-ce une décision critique responsable que d'ignorer volontairement l'intention des auteurs et créateurs du livre jeunesse?

L'auteur pour adultes est mort et enterré (du moins jusqu'à la naissance de la prochaine contre-théorie), mais l'auteur jeunesse met beaucoup plus de temps à agoniser. Et peut-être est-ce là encore une différence bienvenue entre nous et nos collègues et néanmoins ennemis de la fac de lettres.