lundi 26 avril 2010

Hurlevent: les hauts et les bas

Il fait très beau en ce moment en terre des Angles, ce qui explique que je passe moins de temps devant mon ordinateur, ce qui est heureux pour ma santé mais moins pour ma thèse de master. Enfin, tout ça pour dire que je passais l'autre jour en ville dans une quelconque librairie, il a fallu comme toujours que j'aille faire un tour du côté du département jeunesse, et je suis tombée, comme à chaque fois, sur ça:



Ca, c'est une réédition des Hauts de Hurlevent, chef-d'oeuvre de la littérature anglaise du XIXe siècle, écrit par la toute jeune Emily Brontë. Cette réédition trouve sa place non pas dans la partie 'classiques' mais sur l'étagère 'Dark Romance' de la section jeunesse, intercalée entre Twilight et une foultitude d'autres bouquins pseudo-gothico-romantiques écrits à la va-vite sur un coin de table par des opportunistes ravis de carotter son concept à Stephenie Meyer, et arborant des titres alléchants tels que 'Morsure', 'Ténèbres sur St Goth', ou autres 'Comment Résister au Baiser du Vampire'.

Cette splendide réédition des Hauts de Hurlevent est un coup marketing assez extraordinaire. Le design de couverture reprend exactement les mêmes codes que celles des Twilight, avec un fond noir, un objet blanchâtre et une touche de rouge. Mais ce qui est génial, c'est que la couverture dit carrément: "Le livre préféré de Bella et Edward" (entendez: les héros de la consternante tétralogie). C'est bien la première fois que je vois un classique de la littérature anglaise marketé comme étant le bouquin favori de deux personnages de fiction. Ce qui m'amuse, c'est que c'est un livre que tous les parents et professeurs tentent de faire lire à leurs enfants et élèves - parfois sans succès - mais là, ils ont trouvé l'argument-massue: lisez-le non pas parce qu'un adulte vous le demande, mais parce que Bella et Edward, éternels adolescents, le trouvent génial.

Alors, des cohortes de Twihards vont-elles se jeter sur cette dernière trouvaille marketing et passer ainsi d'un douteux phénomène éditorial à la sombre beauté d'Emily Brontë? Malheureusement, j'en doute. Si elles étaient déjà d'avides lectrices avant Twilight, elles auront déjà lu Les Hauts de Hurlevent, classique de chez classique, ou le liront du moins dans les années à venir, avec ou sans Twilight. Si au contraire elles n'ont jamais rien lu d'autre que Twilight, où le style est inexistant, les personnages à la limite du débile mental et l'intrigue fine comme du papier à cigarette, je doute qu'elles réussissent à entrer dans l'histoire compliquée des Hauts, avec ses narrations imbriquées, psychologies complexes et intrigues labyrinthesques. Passer de Twilight aux Hauts de Hurlevent, c'est un peu l'équivalent de passer de Grand Corps Malade à Percy Bysshe Shelley.

(Je précise que je dis 'elles' non pas par sexisme mais parce que malheureusement, les lecteurs de Twilight sont en écrasante majorité des lectrices, et c'est à elles que ce coup marketing s'adresse.)

Enfin, si seulement une petite poignée de non-lectrices pioche cette réédition et la lit jusqu'au bout, c'est peut-être ça de gagné. Pour la maison d'édition, en tout cas, c'était une réédition à peu de frais, et puisque l'oeuvre est dans le domaine public, ils ont droit de s'en mettre plein les poches, à grands coups de phrases d'un écoeurant clichéisme telle que celle qui orne la couverture: 'LOVE NEVER DIES.'

mercredi 21 avril 2010

Gnothi Seauton!

... et je suis de retour à Cambridge pour finir mon master et donc écrire l'effrayante Thèse de Master censée comporter 20 000 mots. Mon sujet étant 'L'héritage de Platon dans la littérature pour adolescents', je vous propose aujourd'hui un billet en FranGrec ancien, avec du vocabulaire de circonstance qu'il faut utiliser dans la langue originale, pas du tout en traduction, parce que ça fait beaucoup plus Intellectuel. Apprenez donc, chers amis, que:

Pour cette thèse, qui entraînera ma nous bien mieux que les programmes du docteur Kawashima, je dois connaître mon telos dans un peu plus de détail, sans me fier à la doxa, afin de finir de rédiger la chose avant le 12 juillet - le 13 juillet je serai sans doute dans un état d'eudaimonia suprême. Je ferai preuve d'arêté dans mon travail pour atteindre l'épistêmê qui devrait s'ensuivre, et j'espère que mon logos ne sera pas de la mimésis de quelque autre amateur de sophia! Finalement, l'aletheia sur la paideia socratique sera dévoilée (j'espère), et si j'ai eu la sophrosunè de ne pas manger trop de Nutella pendant ce trimestre je serai kala k'agatha en maillot de bain pour les vacances d'été.

Si vous avez tout compris, bravo! Vous êtes un as de l'esbroufe possédant les capacités de fumisterie intellectuelle nécessaires à toute bonne dissertation qui aborde de près ou de loin la philosophie antique!

vendredi 16 avril 2010

Ma petite Samiha fait peur à la Fnac



Je suis allée ce matin rendre visite à mes éditrices, et j'ai appris avec surprise que la Fnac a refusé de prendre Samiha et les fantômes, alors qu'ils vendent tous les autres livres de chez Talents Hauts. C'est que, vous comprenez, mon petit livre est trop risqué pour la Fnac. Il traite du voile intégral, un Sujet Tabou.

Et pourtant, mon album ne mentionne jamais la religion, il ne mentionne même pas textuellement le voile, il ne porte aucun jugement sans équivoque, il présente simplement une histoire sur ce sujet - une histoire comme un conte poétique (enfin j'espère). Il n'est pas question de méchants intégristes et de gentils laïcs. Il est question d'un glissement, d'une génération à une autre, d'une pratique culturelle à une autre. Il est question, avant tout, de la liberté des petites filles et des petits garçons à décider de ce qu'ils feront de leur avenir. C'est un livre qui est autant sur le voile qu'il est sur l'oppression des femmes et plus largement sur tout ce qui évolue avec le temps dans une société pour que les inégalités et les injustices s'estompent.

Bref, je ne compte pas expliquer ça en long en large et en travers, mais je trouve quand même ça un peu gonflé, dans une société laïque comme la France, qu'une énorme boîte comme la Fnac qui s'affiche comme bastion de la culture rejette ma petite Samiha et ses espoirs en l'avenir.

mercredi 14 avril 2010

De l'originalité dans les cadeaux


Je suis en ce moment dans le sud de la France, en visite auprès de mes oncle, tante et cousin et de ma toute nouvelle petite cousine, une adorable petite puce de trois semaines portant le doux prénom de Violette.

Le problème quand tu arbores un prénom qui veut dire quelque chose, c'est que les gens se sentent obligés de t'offrir des cadeaux qui correspondent exactement à ton prénom, parce que haha, qu'est-ce que c'est amusant. Me prénommant moi-même Clémentine, j'ai reçu au cours de ma courte vie plus d'objets, de parfums et de trucs et choses divers et variés représentant ou évoquant des clémentines que toute autre personne au monde (sauf d'autres Clémentine, j'imagine). Sans compter les vêtements ORANGE. Alors, pour la petite histoire, quand on a des ancêtres écossais, un teint naturel blanc clair, et à peu près autant de taches de rousseur qu'il y a d'étoiles dans le firmament, il ne faut surtout PAS porter du orange. En fait, c'est la couleur du spectre lumineux qu'il faut absolument éviter à tout prix. D'où nombre de cadeaux orange entassés dans mon armoire.

Ma cousine Marine, de la même manière, a toujours été inondée de cadeaux bleu marine, ou évoquant vaguement la mer. Et désormais, il y a tout à craindre que la petite Violette reçoive régulièrement des trucs violets, à tel point qu'un jour elle fera sa crise d'ado et ne portera que du noir, et tout le monde se demandera pourquoi elle est devenue gothique. Moi j'aurai la réponse.

lundi 12 avril 2010

âmicâlement vôtre


Etant désormais une Auteure Publiée, je me dois régulièrement de confirmer mon nouveau statut par la signature vigoureuse des ouvrages que je donne aux gens ou qu'ils m'apportent. Je suis personnellement assez désarçonnée par la quantité de personnes qui requièrent que je gribouille sur leurs exemplaires, vu que très franchement, les dédicaces me laissent de glace. Mais bref, j'obtempère, ça fait toujours plaisir de faire style je suis très importante.

Un truc par contre qui me stresse, c'est de signer Samiha et les fantômes, par exemple, pour des enfants de 3 à 7 ans. A chaque fois, je ne sais pas quoi mettre avant la signature. 'Gros bisous' sonne franchement débile, 'Je t'embrasse' fait la fille qui veut pas dire 'gros bisous' mais ne s'en sort pas beaucoup mieux, 'Affectueusement' ne marche pas si c'est un gamin que t'as jamais vu de ta vie, etc etc. Problème douloureux et délicat. Du coup, j'écris 'Amicalement', ce qui est finalement tout aussi idiot puisqu'il y a peu de chance que le petit gosse me considère comme sa best friend dans les jours à venir.

Bref, il me faut des idées nouvelles pour dédicacer ces trucs à ce genre de public. Des suggestions?

dimanche 11 avril 2010

Dehors Miss France, vive Miss Charity


Marie-Aude Murail est sans doute l'auteure pour ados la plus réputée en France et pour de bonnes raisons - elle est incroyablement douée pour ce genre ultra casse-gueule. Elle arrive, dans chacun de ses livres, à créer des ponts entre un quotidien banal, typique d'une vie d'ado sans rebondissement, et une transformation de ce quotidien, qui rend tout différent et fait apparaître des éléments dérangeants, dangereux, extrêmement séduisants.

A douze ans, j'ai commencé ma cure de Marie-Aude Murail avec Oh, Boy, brillant récit mélangeant cancer de surdoué, suicide au Canard WC et homosexualité - une combinaison jamais vue auparavant en littérature jeunesse, et qui a beaucoup fait pour attirer l'attention sur ce genre assez marginalisé.

Et puis il y a eu toute la série des Babysitter Blues et des Nils Hazard, ce dernier étant particulièrement intéressant puisque les héros des histoires sont adultes, bien plus âgés que le public auquel les livres s'adressent. Je me souviens encore du frisson de transgression ressenti en bouquinant Dinky Rouge Sang, au CDI de mon collège, saisissant à mi-voix les allusions coquines entre Nils et sa petite amie étudiante. Marie-Aude Murail n'a jamais eu peur de ce genre de sous-entendus. Une bonne partie de la série des Golem, coécrite avec ses frère et soeur, repose sur le personnage d'un geek sexuellement frustré.

Bref, je n'ai pas hésité une seconde à dépenser presque 30 euros de mon petit budget d'étudiante pour acquérir il y a quelques mois l'une des dernières créations de Marie-Aude, Miss Charity, illustré par Philippe Dumas, dont le pitch m'avait fortement intriguée: il était question, semblait-il, d'une sorte de biographie romancée de Beatrix Potter à la sauce Austen, Brontë et Darwin. Miam!

Je n'ai qu'une chose à dire, c'est le meilleur Marie-Aude Murail. Miss Charity est un livre d'une intelligence inégalable, mélangeant avec aisance exercice de style (écriture pseudo-victorienne, mais pleine de clins d'oeil à des formules plus modernes), références littéraires (d'Oscar Wilde à Bernard Shaw, en passant par Jane Eyre, la Comtesse de Ségur, l'Origine des Espèces et bien entendu Beatrix Potter), et comédie romantique.

Mais ce livre est d'autant plus réussi qu'il constitue un véritable manifeste de l'écriture pour la jeunesse, dans tout ce qu'elle a de plus respectable et de plus transgressif. Le personnage de Charity, par sa passion pour le dessin et sa manière originale de s'adresser aux plus jeunes, est en conflit avec la bien-pensante société anglaise et ses méthodes d'éducation. Elle représente à elle seule la possibilité pour l'artiste de s'affranchir des académies (passant de la représentation précise de la nature à une interprétation narrative de celle-ci), et de créer de nouvelles traditions littéraires et illustratives. Les enfants, dans Miss Charity, sont les spectateurs éclairés (et fascinés) de cette nouvelle forme d'art. C'est grâce à eux que Charity, personnage marginal et énergique, secoue et dérange les moeurs de la vieille société anglaise.

C'est donc un livre qui défend et valorise tous ceux qui oeuvrent pour que la littérature jeunesse soit reconnue et respectée comme une forme d'art, subversive et non-conventionnelle, et que l'on considère l'enfant pour ce qu'il est: un amateur d'idées nouvelles, au goût beaucoup plus aiguisé qu'on pourrait le croire, et qui mérite qu'on lui offre des mots et des images de la plus haute qualité.

samedi 10 avril 2010

Twilight : Le Retour. HELP


Stupeur et consternation: le monde entier se prépare à un nouvel opus de la série Twilight, commise sans états d'âme par la dangereuse Stephenie Meyer. Eh oui, on croyait en avoir fini avec les amours mortifères et larmoyantes de Miss Imbecilla Swan et d'Etincello Von Cullen, mais non, voilatipa que Mrs Meyer nous planifie un spin-off de la saga qui sortira, apparemment, en juin. Il est question, paraît-il, du 'point de vue d'un personnage secondaire sur l'histoire principale' (déjà racontée). Pratoche: si vous êtes à court d'inspiration, re-racontez la même histoire du point de vue d'un personnage secondaire! Elle nous avait déjà fait le coup avec Midnight Sun, donc on aurait dû s'en douter. Enfin bon, c'est vrai que pour une intrigue aussi complexe, aussi délicatement ciselée, il faut bien en remettre une couche avec plusieurs autres points de vue, parce qu'on risque de ne pas tout comprendre du premier coup.

Quel dommage que Meyer soit la seule à avoir eu cette idée de génie! D'autres écrivains, hélas, ont raté l'occasion de nous re-raconter leurs propres histoires déjà publiées. On aurait pu avoir:

- Crime et Châtiment raconté par la logeuse (au moins ça aurait été plus court que l'original)
- Harry Potter raconté par Dudley Dursley ("Faim!! Manger. Manger!! Gâteau. Manger gâteau!! Harry pas gentil, bouh!!! MANGER GATEAU!!")
- Martine à la plage raconté par Patapouf ('ouah ouah')
- A la recherche du temps perdu raconté par la madeleine (plouf, miam).
- La peste raconté par le virus de la peste ("Rat!! conduis-moi à la victoire")
- Tintin et les bijoux de la Castafiore raconté par la pie ("Ils ne trouveront JAMAIS l'émeraude dans ma trop bonne cachette hin hin hin... ah merde")

Bref, TROP HATE d'être à juin. Mais TROP.

jeudi 8 avril 2010

Je suis en deuil...

... des tout petits cadres Habitat qui étaient si jolis, avec leurs bordures fluo et leurs petits pavés de plastique transparent. Ils ne les font plus, et c'est bien dommage. Heureusement, avant leur disparition, j'ai eu le temps d'en acheter 12 et j'ai fait des petits triptyques comme celui-ci:



(la photo n'est pas très bonne - je n'ai que ma ouèbcame sous la main :p)

Deuxième sujet du jour: la sortie de Samiha et les fantômes! je n'ai même pas encore eu le temps d'aller voir chez Gibert s'ils l'ont déjà... Trop de choses à faire aujourd'hui!

mercredi 7 avril 2010

J-1 avant la sortie de mon premier bouquin


Demain 8 avril, c'est la sortie en librairie de mon premier livre pour enfants, Samiha et les fantômes, édité par Talents Hauts et illustré par Sylvie Seprix.

Bon, vu que je l'ai déjà eu en main, dédicacé à la familia et même fait une timide pub à mes copains via email, en fait le truc dont j'ai le plus hâte maintenant, c'est de le voir chez Gibert. Ah, Gibert! *musique mélancolique* la librairie où mes parents m'ont acheté tous mes Claude Ponti, toutes mes Fantômette, tous mes Bennett, Tom-Tom et Nana, Triplés et plus tard, Susie Morgenstern, Marie-Aude Murail, Jean-Philippe Arrou-Vignod - bref quand je vais voir mon propre petit opus sur les gondoles de chez Gibert ça va être la GLOIRE.

mardi 6 avril 2010

Comment pensent les enfants?



Je parlais justement de Philosophie Magazine hier, et bien il se trouve que j'en reparle aujourd'hui. Ce mois-ci, Philomag consacre un dossier à la question 'Comment pensent les enfants?' et je vous conseille de courir au kiosque le plus proche pour en acheter un exemplaire, si vous n'êtes pas déjà abonné/e.

Il y a beaucoup de choses dans ce numéro de Philo Mag, mais j'en retiendrai surtout un article très intéressant sur 'Les aventuriers de l'art perdu', entendez le dessin chez l'enfant. Ce n'est pas une idée originale, mais j'ai toujours été fascinée par les similitudes entre peinture moderne et peintures d'enfants. L'article cite justement Picasso qui affirme: 'A 8 ans, j'étais Raphaël. Il m'a fallu toute une vie pour peindre comme un enfant'. Le journaliste traduit ce désir comme celui de retrouver une 'spontanéité' supposément perdue, et 'une façon jubilatoire de se soumettre à la peinture'. Certains tableaux de Picasso mais aussi de Chagall, par exemple, semblent vraiment confirmer cette impression:


(Chagall, La mariée)

Mais en fait je pense que ce 'retour à l'enfance' est, de la part du peintre, une grande supercherie. Le peintre a depuis très longtemps dépassé le stade de schématisation dont l'enfant est seulement capable; il peut dessiner avec un réalisme quasi-photographique, et c'est un leurre de penser qu'il reviendrait d'une certaine manière à un état d'ignorance naïve des proportions et des angles, comme un enfant. Je pense que le peintre qui tente de dessiner de manière enfantine est en réalité très éloigné du processus de dessin enfantin. Chaque 'erreur' d'angle, de perspective ou de couleur est calculée pour produire un effet esthétique. Il est faux de dire que le peintre est 'soumis à la peinture' - bien au contraire, il s'y connaît assez pour manipuler son usage dans le but artistique de provoquer une émotion ou une réflexion. Il y a aussi peu de 'spontanéité' chez les oeuvres pseudo-enfantines de grands artistes que dans le Petit Nicolas: c'est du trucage, du calcul dont seuls les adultes sont capables.

Mais alors pourquoi cherchent-ils à 'frauder' en faisant croire qu'ils retournent à une esthétique enfantine? Je crois que c'est parce que les plus beaux dessins d'enfants sont produits de manière quasi-automatique, sous l'emprise d'une sorte d'état de grâce qui est très proche de notre conception collective de l'inspiration. L'inspiration est le graal de l'artiste, et se sentir 'inspiré' est peut-être l'un des seuls sentiments 'religieux' des artistes.

Mais l'inspiration, parfois (souvent), ne vient pas ou échoue. Réussir à imiter (et non pas à réinvestir) l'état de grâce de l'enfance est peut-être une manière adulte de rendre hommage à une étape de la vie et un état d'esprit dans lesquels une création inspirée est possible. Je crois personnellement peu à l'inspiration pure chez l'adulte - je pense qu'elle crée 'l'étincelle' qui commence un travail, mais qu'ensuite elle s'étiole et qu'il faut la rallumer en permanence par le travail. C'est sans doute pour cela que l'état de grâce chez l'enfant est si fascinant, et que les peintres voudraient bien, sinon le redécouvrir, du moins le répliquer de manière intellectuelle, par la connaissance technique de l'art qu'ils maîtrisent.

Et à part ça, comment on fait les bébés?

lundi 5 avril 2010

Etes-vous plutôt lapin ou cloche?

En Angleterre où je vis la moitié de l'année, et dans certaines familles françaises de ma connaissance, c'est le lapin de Pâques qui apporte les oeufs en chocolat aux enfants dans les jardins (ou, faute de mieux à Paris, sur les terrasses et les bords de fenêtres...). Dans ma famille, ce sont les cloches de Pâques qui viennent de Rome faire pleuvoir les oeufs pour que les enfants les dénichent.

Quoi qu'il en soit, il est frappant de constater que Pâques est devenue, avant tout, la fête de l'enfance, peut-être encore davantage que Noël. C'est, en termes chrétiens, la fête la plus importante de l'année, celle qui célèbre la résurrection de Jésus. La résurrection, c'est une seconde naissance, la tombe accouchant, contre toute attente, du messie à nouveau vivant. Que l'on y croie ou non (moi, perso, pas du tout), cette célébration résonne comme celle de l'ambiguité éternelle entre naissance et mort, entre enfance et vieillesse. On célèbre une victoire sur la mort: le lapin est un symbole de fertilité (de super-fertilité, même); l'oeuf, par excellence, est symbole de naissance. Et si Pâques est si centré de nos jours sur la découverte de ces oeufs par les enfants, c'est peut-être que l'on veut, ce jour-là, se rassurer soi-même: ces enfants qu'on a portés, ils cherchent également des oeufs (lisez: à se reproduire). On sait qu'on devra mourir un jour, mais notre renaissance, notre résurrection, est déjà prête - en les personnes de nos enfants, et de leur propre descendance. La certitude de notre propre mort est édulcorée par le spectacle réconfortant de nos enfants découvrant la vie et la reproduction.

C'est peut-être un message désuet, qui semble ridicule aux oreilles de ceux (ils sont nombreux, et ils ont peut-être bien raison) qui n'ont pas d'enfants, ne cherchent pas à en avoir, se fichent de laisser une descendance, ou, même s'ils ont conçu une vaste progéniture, n'investissent pas en elle une promesse d'allongement symbolique de leur vie. Il n'empêche, cela reste, je pense, la signification culturelle de Pâques de nos jours.

Bon allez, c'est pas tout ça, mais je vais aller me goinfrer de chocolat, moi. Désolée pour la tirade pseudo-psychologique: c'est mon côté Philosophie Magazine :)

samedi 3 avril 2010

Harry Potter et la Formule 1


Depuis un jour pluvieux de 1998 jusqu'à mon lit de mort, je suis et resterai une fan inconditionnelle, inattaquable et imprescriptible d'Harry Potter.

Comme l'amour est aveugle, je me contrefiche éperdument de toutes les attaques entendues quotidiennement contre la série dans le milieu où j'évolue, c'est-à-dire celui où l'on lit de la Très Bonne Littérature pour Enfants. Harry Potter est sexiste, conformiste et esclavagiste, pas très bien écrit et anglo-centriste et CAUSE TOUJOURS TU M'INTERESSES. Je comprends ces arguments, intellectuellement, mais le coeur a ses raisons dont la raison se tamponne le coquillard avec une patte d'éléphant femelle.

D'ailleurs, je suis très surprise d'avoir réussi à écrire sept messages sur ce blog sans mentionner une seule fois le petit sorcier à lunettes, comme disent les journalistes.

Etonnamment, pour une fille qui mange Harry Potter, dort Harry Potter et respire Harry Potter, je suis en couple depuis trois ans et demi avec un garçon charmant qui ne les a jamais lus, et qui d'ailleurs ne lit jamais de fiction. Ca m'a toujours été égal, je ne partage pas sa passion pour la Formule 1, et je n'ai jamais trouvé qu'il se devait par amour pour ma personne de bouquiner la saga en sept tomes de ma passion de jeunesse.

Jusqu'à il y a trois semaines, où mon copain et moi avons conclu un pacte machiavélique du troisième type. La nouvelle saison de Formule 1 allait commencer, et c'est moi-même qui ai proposé un challenge à mon bien-aimé: "Si je regarde toutes les courses de Formule 1 de la saison, toi tu lis tous les Harry Potter". Incroyable, il a accepté et s'est mis directement à lire le tome 1. Je tiens à préciser que le dernier bouquin de fiction qu'il avait lu était le Da Vinci Code, il y a 5 ans.

Miracle, il a lu les deux premiers tomes en moins d'une semaine, et a même admis du bout des lèvres qu'il "comprenait qu'on puisse être passionné par la série". Jubilation du côté de ma personne. Et voilà-t-y-pas qu'hier matin, il se réveille et m'annonce qu'il vient de rêver d'Harry Potter! Dans ce songe, le jeune homme était lui-même Harry, et moi j'étais Dumbledore. Je ne sais pas comment je dois le prendre, mais ça m'a boosté le moral toute la journée. Quand votre copain de 21 ans allergique aux romans dévore et puis se met à rêver de votre saga préférée, on peut crier victoire. Encore un exploit du petit Potter. Rowling ne cessera jamais de me surprendre.

Et de mon côté? Euh... Oui, bien sûr, ces petites voitures qui tournent en rond, ça me passionne. Oui oui.

vendredi 2 avril 2010

Alice au pays des merdouilles



Cela fait maintenant près d'un mois que j'ai vu, dès sa sortie en Angleterre, l'Alice au pays des merveilles de Tim Burton.

Très franchement, je n'étais pas du tout motivée au départ, et il a fallu que mes camarades de classe organisent une 'mad tea party' se soldant en sortie ciné pour que j'accepte de venir. La bande-annonce ne m'avait pas séduite, avec ses couleurs criardes et surtout ces abominations de Tweedledee et Tweedledum, qui ressemblent à deux foetus avortés dans un remix trash de Toy Story.

Bref, la fille n'était pas convaincue. D'autant plus que dans ma tête, Alice au cinéma, c'était ça:

La première Alice de Disney ne met personne d'accord, mais malgré ses nombreux défauts, c'est une version qui m'a toujours enthousiasmée. Les chansons sont plus mélancoliques que dans tout autre Disney, le graphisme et précis et imaginatif (la Tea Party en particulier est un grand moment de génie), mais surtout, toute la beauté et la force du dessin animé apparaît au milieu de l'intrigue, lorsqu'Alice perdue dans la forêt magique voit ses chemins disparaître les uns après les autres, et se retrouve seule au milieu d'animaux indifférents à son sort. Cette scène, que l'on croirait à tort ressortie des tiroirs de Blanche-Neige (en fait, les deux sont très différentes), est déchirante. Petite, elle me terrorisait - le désespoir d'Alice, assise sur une pierre à pleurer l'absence de quiconque à qui demander son chemin, trouvait un écho très profond chez moi et, je pense, chez tous les jeunes enfants dont l'angoisse d'être perdu constitue un motif récurrent dans leurs cauchemars.

La nouvelle Alice de Tim Burton a tout perdu de sa petite soeur-ancêtre de dessin animé. Elle ne provoque aucune émotion, aucune anxiété, simplement deux heures de grand spectacle sans charme. Tim Burton, qui pourtant est le champion du non-linéaire et du non-formulaïque, a fait une Alice à la sauce Eragon, sans peur et sans reproche et sans aucun intérêt. Le film n'est même pas mauvais, il est empreint de douce médiocrité. Il a d'Avatar l'intrigue attendue et formulaïque (allant jusqu'à nous apprendre dès la dixième minute de film que la gamine vaincra le monstre), mais sans l'utilisation magistrale de la 3D. Bref, c'est à désespérér de Burton, qui nous avait déjà livré un Charlie et la Chocolaterie sans grande passion il y a quelques années.

Alors oui, il y a Johnny Depp qui se cantonne dans des rôles semi-hystériques à cause de Burton, et il y a Helena Bonham Carter qui nous refait Queenie de la série télévisée anglaise Blackadder. Mais surtout il y a un Jabberwocky qui ressemble à un croisement entre une chauve-souris et un parapluie, qui ne nous fait pas flipper une seule seconde, et qui a des ailes mais curieusement ne vole pas avec puisqu'il les utilise pour marcher (!).

Tout ça pour un film insipide et vite oublié, dont on se demande vraiment s'il a été réalisé par celui qui nous a donné Beetlejuice, L'étrange Noël de M. Jack et Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête.