jeudi 31 mars 2016

Un presqu'anniversaire ensorcelant!

Demain, ce sera l'anniversaire des Petites reines et de Carambol'anges... je me rappelle comme ils étaient mignons, tout frais sortis de l'imprimerie! ils ne faisaient pas leurs nuits à l'époque, on cododotait, je leur chantais des berceuses, etc... et maintenant ils marchent tout seuls! ils grandissent trop vite...

il y a 1 an!
Les petites reines a bien vécu sa vie (et changé la mienne...); Mireille, Hakima et Astrid se sont fait des ami/es partout en France, auprès des jeunes, des libraires, des profs et des parents... le roman a gagné le Prix Libr'à Nous catégorie ado, le prix du meilleur livre jeunesse de l'année du magazine Lire, le prix Millepages, le prix NRP; il a représenté la France dans la liste d'honneur IBBY internationale, il a été nominé aux Incos et à d'autres prix, il a été vendu au cinéma et au théâtre - et aujourd'hui, il a gagné le Prix Sorcières!

Merci, merci, merci aux sorcières (bien aimées, bien entendu) de l'association pour cette distinction vraiment émouvante. Honnêtement, même si bien sûr j'avais capté que j'étais nominée, je n'avais pas pris la mesure du truc jusqu'au moment de l'annonce... où je me suis soudain rendue compte à quel point cette récompense avait une énorme valeur symbolique pour moi, étant donné les livres et les auteurs qui l'ont remportée depuis ma plus tendre enfance: JK Rowling, Marie-Aude Murail, Claude Ponti, Anne Fine, Susie Morgenstern, Timothée de Fombelle, Brigitte Smadja, Malika Ferdjoukh, Louis Sachar, et j'en passe. Je suis incrédule! (et encore un peu assommée) de trouver mes trois cyclistes dans cette liste.

Coïncidence ou non, j'ai justement terminé en début de semaine La pyramide des besoins humains, de Caroline Solé, qui était aussi nominé (et sur de nombreuses autres listes de prix!), qui a accaparé mon attention assez obsessionnellement pendant un voyage en train. Il parle lui aussi, puissamment, de jeunes gens pris dans une culture de l'image et dans la menace/ tentation de la 'viralité' sur Internet. Christopher pourrait être un cousin de Mireille... je n'ai pas encore lu les autres nominé/es, mais je suis ravie d'avoir fait partie de cette liste entièrement francophone et de haute qualité:








Les Prix Sorcières cette année ont été attribués en grande majorité à des éditeurs indépendants, ce qui est une vraie joie pour moi et pour tous ceux qui croient en la force de ces petites équipes soudées, vives et prêtes à prendre des risques. C'est l'occasion de (re)dire merci à Sarbacane à qui je dois tant.

Avant que Nel ne se plaigne que je l'oublie dans ce billet d'anniversaire, je suis aussi très heureuse d'annoncer que Carambol'ange, illustré par Eglantine Ceulemans, a hier le prix Ruralivres en Pas-de-Calais (ça tombe bien, c'est là où j'ai passé la moitié de mes vacances toute mon enfance...). J'étais allée il y a deux ans à Ruralivres en Cambrésis, dont je garde un souvenir très tendre - plein d'enfants qui galopent et rigolent, un gîte magnifique dans les champs, des bêtises (de Cambrai) dans un grand tube en métal. Vive aussi, donc, les autres prix et l'attention qu'ils portent aux parutions un peu éclipsées par d'autres! Car on ne peut pas dire que Carambol'ange ait reçu le quart du tiers de l'attention de sa grande soeur...

Merci encore à toutes les librairies et bibliothèques qui soutiennent les livres et les conseillent aux ados! 

Accio champagne!

circa 2005
 

dimanche 27 mars 2016

Incorruptiblement vôtre! Avis aux écoles...

Eplapourdissement de la semaine: j'ai deux livres nominés au Prix des Incorruptibles de cette année! Les petites reines et Lettres de mon hélicoptêtre sont tous les deux en lice dans leurs catégories respectives.


Je suis ravie en particulier pour ma petite héroïne en hélico, dont le tour du monde, illustré avec moult pastel et pétillements par Anne Rouquette, avait été assez discret jusqu'à présent. C'est un bouquin avec lequel on peut faire de très chouettes activités en classe - par exemple, des hélicoptêtres chargés de tas de souvenirs du monde au tableau...


Je suis aussi, évidemment, super-heureuse pour Les petites reines, dont j'ai aussi appris cette semaine qu'il était sélectionné pour le très prestigieux Prix Sorcières (!!!) aux côtés de Marie Chartres, Caroline Solé, Hubert Ben Kemoun et Mathieu Robin.

Pour ceuzécelles qui ne le sauraient pas, le Prix des Incorruptibles est un prix tout à fait hors norme: la sélection est annoncée un an avant la remise du prix, et des exemplaires spéciaux (dits 'exemplaires Incos') des titres en lice sont imprimés pour les écoles. Ce sont ensuite des milliers d'élèves qui votent pour leur préféré dans chaque catégorie.

Cette année, c'est mon album La louve, illustré par Antoine Déprez, qui était nominé, et j'ai vu en quelques semaines l'incroyable impact du prix: des messages de parents et d'enseignants de toute la France ont commencé à pleuvoir dans ma boîte mail... c'est un moyen extraordinaire de faire voyager un livre.

même pas peur!
(enfin, j'ai quand même eu quelques retours indiquant que c'était un peu flippant comme histoire)
Le Prix des Incos est célèbre pour son organisation de très nombreuses rencontres scolaires... et c'est là que les larmes commencent à ruisseler sur mes petites joues car, pour cause de problèmes de réglage dans ma machine de téléportation (et de job à temps plein), faire des rencontres en France est très très difficile pour moi. C'est un vrai regret, car j'adore ça. Choisir c'est renoncer, etc., mais le renoncement à une vie de rencontres scolaires sur les routes de France est un effet particulièrement douloureux de mon choix d'une vie universitaire. 

Or, depuis quelques mois, j'ai commencé à faire des rencontres par Skype, et ça se passe hyper chouettement. Propulsée depuis mon salon dans des écoles à travers la France, les élèves m'ont montré des bandes-annonces, des cartes, m'ont joué des saynètes et lu des extraits qu'ils avaient préparés, et j'ai répondu aux questions, lu des passages aussi, et je leur ai montré des images par écrans interposés.

J'ai été impressionnée de la qualité des interventions qu'on peut faire de cette manière. Il me semblerait même que les ados les plus timides le sont un peu moins quand on est sur grand écran...

Donc, ceci est un appel aux écoles incorruptibles - et aux autres - s'il vous plaît, invitez-moi sur vos écrans! ça sera fun, même si j'ai un visage tout plat d'1m50 de haut. Je répondrai aux questions avec le même entrain qu'en vrai. On aura un vrai échange... et je serai vraiment là.

Parce que c'est peut-être virtuel... mais c'est une vraie rencontre!

Si vous m'écrivez, ou à Anaïs Malherbe de Sarbacane, on vous enverra plein d'infos et de précisions sur les conditions. Il y a aussi (comme toujours) une page très bien faite sur le site de la Charte.

Merci encore aux Incos et aux Sorcières!

jeudi 17 mars 2016

Les passions de l'âme - Ecrire comme une abeille

Dans quelques semaines, je serai à nouveau en weekend intensif de formation continue, à enseigner à des adultes l'écriture créative pour la jeunesse. J'en ai parlé récemment à Tom Lévêque, qui en a fait un billet incroyablement bien goupillé sur son (incontournable) blog: il y a une interview en anglais, allez écouter si ça vous intéresse de savoir si je connais bien mes verbes irréguliers - sinon, Tom l'a transcrite ET traduite (what a man). J'avais aussi écrit sur le sujet l'année dernière.

Pour les très paresseux/ses qui n'auraient pas la motivation d'aller (re)lire ou écouter mes sages paroles, je vous fais un débrief rapide sur ce que je pense de l'apprentissage de l'écriture:
  • Oui, c'est possible d'apprendre à écrire. 
  • Cependant, je ne suis pas certaine qu'il soit possible 'd'enseigner' directement l'écriture. 
  • Je pense qu'on peut enseigner à écrire, mais indirectement, en enseignant surtout la lecture. Apprendre à lire, à lire vraiment, en comprenant les mécanismes et les stratégies de ce qu'on lit, est une grande étape dans l'apprentissage de l'écriture. Et ça, heureusement, c'est beaucoup plus facile à enseigner: forcer des gens à faire de l'analyse de texte, c'est mon boulot de toute façon...
Je ne vais pas reparler des cours d'écriture créative, mais plutôt de ce 'message': c'est en lisant qu'on apprend à écrire. Message banal, articulé par presque tout/e auteur/e qui se respecte, certains plus joliment que d'autres: Philip Pullman dit: 'Lire comme un papillon, écrire comme une abeille...' Dans l'idéal, l'auteur/e ne lit pas, mais butine; et puis transforme et recompose.

l'abeille coule

Mais où est la limite entre butinage et imitation, entre influence et suivisme? Et comment équilibrer désir d'originalité et désir de rendre hommage?

La première question est particulièrement difficile en jeunesse - et, je pense, dans d'autres types de littérature à fort potentiel commercial - où l'on nous enjoint toujours à "aller voir", "jeter un oeil", "se demander si on ne pourrait pas faire un peu comme" ce qui marche en ce moment. Et la tentation est forte d'emprunter un peu, beaucoup, de ce qui se fait déjà.

Ce que je trouve très intéressant, c'est qu'il est très rarement question de plagiat, alors même qu'on a parfois des exemples absolument hallucinants de copies pratiquement conformes. La série du Journal d'un dégonflé a donné lieu à une prolifération aberrante de clones, et pourtant on en parle comme d'une 'formule' qui marche. C'est le signe qu'on est là dans une logique de déclinaison d'un produit plutôt que dans une pratique de 'butinage'...



Mais à part cet exemple un peu extrême, en littérature jeunesse, où l'on crie beaucoup à la 'future tendance' où au 'genre qui enflamme les ados', on peut vite, si on ne fait pas attention, se retrouver à lire en établissant, consciemment ou inconsciemment, des recettes - et à écrire en cochant les cases qu'on s'est construites.

Sauf que la plupart du temps, le butinage est moins forcé, et le résultat beaucoup plus délicieux. De petits pollens collés à nos pattes viennent se poser sur nos pages sans qu'on ne l'ait décidé. On lit un livre qu'on trouve mou et médiocre, et pourtant, sans s'en rendre compte, on en accroche des petites fibres au passage. Au milieu d'un chapitre, on s'aperçoit qu'on a attrapé les tics de quelqu'un autre. On se relit, et on comprend qu'on est devenu la poupée d'un malicieux ventriloque.

quand j'étais petite j'avais écrit plusieurs volumes des aventures de 'Sam-Sam et Nénette'.
Aucune idée d'où ça m'était venu.

Et quand on le fait exprès - quand on fait référence - quand on commence à mettre sur l'étiquette de nos petits pots de miel le nom des champs dans lesquels on a trouvé les fleurs... alors les ennuis commencent.

Ces influences-là - celles qui deviennent des allusions, des références intertextuelles, des citations - sont puissantes. On risque de les convoquer comme on invite une archiduchesse à prendre le thé chez soi: seulement après avoir changé tout le décor, rangé le chat sous le tapis, acheté des biscuits qu'on déteste et trouvé des sujets de conversations aussi artificiels qu'ennuyeux.

Oui, ta référence, elle ressemble à ça

 On risque aussi de passer pour un/e snob de première, et de tomber dans cet abîme à mitraillage de bâillements de la postmodernité littéraire: un livre qui se lit comme une bibliographie annotée, avec des clins d'oeil tellement appuyés que ça te fait mal aux paupières rien que de regarder la page.

La première chose que m'a dit Tibo quand je lui ai annoncé que je travaillais sur une réécriture d'Eugène Onéguine, c'était "Kill your darlings" (bon d'accord, en fait c'était "EUHH QUOI??????????? CA VA PAS LA TETE????). En gros, ne sois pas complaisante ni déférente: c'est ton livre, ton histoire, ne va pas nous mettre des références à tout bout de champ.

Donc comme je suis quelqu'un de très obéissant, j'ai presque obéi relativement sagement et j'ai surveillé mon clignement d'yeux - mais évidemment, on ne peut pas aller trop loin dans la réserve non plus... Car quand on est hantée par une histoire, par des auteurs ou par un style, ce serait ne pas être 'soi-même' que de leur refuser l'entrée chez nous. 

Ne pas priver nos écritures de nos lectures, donc. Mais aussi se fabriquer un plancher solide, et refuser de changer la moquette, les rideaux ou la peinture parce que l'un des invités objecte qu'ils ne sont pas à son goût. On a beau l'adorer et l'admirer, le darling en question doit se souvenir que c'est chez nous, ici.

Ecrire comme une abeille, donc: pas seulement faire du miel, mais aussi construire des murs de cire pour qu'il ne dégouline pas partout. C'est ta ruche, après tout.