Cet après-midi, je vais au Salon du Livre (encore une fois) assister à un débat entre Salman Rushdie et Paul Auster. On peut critiquer le Salon comme on veut, mais organiser un débat pareil, faut le faire.
Salman Rushdie est sans conteste mon écrivain vivant préféré, le plus nobélisable de tous les écrivains contemporains (sauf qu'à Stockholm les pleutres de l'académie ont la trouille qu'on leur explose la tronche s'ils lui donnent le prix). J'ai lu, je crois, tous ses livres sauf le dernier en date, (L'Enchanteresse de Florence) et le plus beau, je pense, reste Les Enfants de Minuit, qui a décroché non seulement le Booker Prize (l'équivalent anglais du Goncourt) mais en plus le Booker of Bookers (le meilleur Booker des 25 dernières années, un genre de super-Goncourt).
Une chose qu'on sait moins sur Rushdie, c'est qu'il a aussi écrit un roman pour enfants intitulé Haroun and the Sea of Stories (Haroun et la Mer des Histoires):
Ce livre pour enfants est absolument magnifique, pétillant et bariolé comme tous les écrits de Rushdie, extraordinairement imaginatif, férocement intelligent, et évidemment très politique. C'est rare qu'un auteur de ce calibre perde son temps à gratter des bouquins pour gamins, donc ça vaut la peine d'être mentionné.
Ce que j'aime particulièrement chez Rushdie, c'est qu'il a un immense respect pour tout ce qui relève de la culture populaire, cinématographique ou folklorique. Les contes pour enfants, en particulier, sont omniprésents dans son oeuvre, perçus comme constitutifs de l'identité culturelle d'un peuple. Il n'a absolument pas peur d'utiliser exactement les mêmes processus magiques, et il le fait sans chercher à les désenchanter en les "adultisant" à l'excès. La métamorphose, omniprésente chez Rushdie, reste voilée d'un charme de conte ou de mythe, contrairement, par exemple, à Darrieusecq. Il traite de la magie avec un très grand sérieux, et presque toute son oeuvre est contée par le mode littéraire du réalisme magique, qui fait se côtoyer le banal et le merveilleux en permanence comme s'ils étaient indissociables.
Le réalisme magique, selon moi, est par excellence la représentation d'un point de vue infantile, qui négocie en permanence éléments imaginés et éléments réels. C'est un type de discours qui superpose à la rencontre d'éléments extérieurs à soi leur représentation transformée par l'imagination de l'individu. Il s'ensuit une sorte de négation de la 'réalité' comme existante et tangible, ce qui donne lieu à un portrait mobile, subtil, des situations sociales, politiques et culturelles que l'histoire décrit. C'est, de loin, le mode littéraire qui me fascine le plus, peut-être justement parce qu'il est si proche d'une rendition parfaite du point de vue de l'enfant sur le monde.
mardi 30 mars 2010
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un rendez-vous magistral en effet!! apparement il y avait 800 personnes. et oui la traductrice de Rushdie était nulle :-O
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