lundi 25 octobre 2010

Ré-impressions

R'gardez ça s'ils sont pas mignons!



En ce moment j'ai un emploi du temps absolument cadenassé (traduction: pardon les gens de pas écrire plus souvent!) mais l'autre jour je suis entrée dans une librairie et je suis tombée nez-à-nez avec la nouvelle édition de Noël de la série des Twilight.

Comprenez: 'Hmm hmm! C'est bientôt Noël!' (nb Noël en Grande-Britannie commence le 1er octobre au matin: tout le monde se réveille, ouvre la fenêtre et dit "Smells like Christmas... Feels like Christmas... Christmas is coming! yeeeehaaa") 'C'est bientôt Noël, donc, et que veut dire Noël? Noël veut dire...

MONEY$MONEY$MONEY$

(n'oublions pas que nous parlons ici d'un éditeur)
'Et qu'est-ce qui fait gagner de l'argent en ce moment?' se demande donc notre markéteur-éditeur-supertrooper. 'Ah oui! ce truc avec les vampires, là. Tu sais ceux qui brillent et qui mordent pas? Allez, on va revamper nos vampires et les revendre en super édition de Noël qui déchire sa race.'

Bref, ce revampage est très intéressant (oui sinon j'irais pas écrire un billet complet dessus à 8h13 du matin). En gros, ils ont fait trois choses:

1) Enlever le titre de la couverture. Iléou le titre? ya pu de titre. Il est parti.
2) Photoshop -> remplacer -> noir -> par -> blanc
3) Peindre la tranche en rouge

Je vais maintenant ânâlyser ces trois manoeuvres marketing pour vous en direct et sans prompteur.

1) Disparu le titre. Il existe des livres sans titre, mais c'est rare. En général, quand ça arrive, ce sont des bouquins dits 'postmodernes' (comprenez: bizarres et borderline). Dans ce cas-là, retirer le titre veut dire que l'identité visuelle des bouquins est si bien ancrée dans les mémoires que l'image de couverture elle-même 'parle' à la place du titre. En gros, quand on voit une pomme entre deux mains blanches, on pense 'Twilight'. Le titre est devenu redondant. Le langage verbal disparaît au profit de l'image, langage visuel beaucoup plus 'attirant' pour leur cible. Bon, il faut pas être grand clerc pour interjeter que dans Twilight le langage verbal avait depuis longtemps disparu au profit du langage visuel. Tout dans Twilight est extrêmement visuel: avec un minimum de vocabulaire, elle fait voir. La langue est terriblement simple, ne fait aucun effet de style qui ne soit pas complètement au profit des images qu'elle décrit. La disparition du titre au profit d'une image attirante (et qui représente universellement Twilight maintenant) représente l'aboutissement de cet effacement du langage. Sans compter que ce manque de titre, ça fait aussi très style et très postmoderne alors qu'en fait, les bouquins sont d'un traditionnel et d'un conservatisme absolu.

2) Le passage du noir au blanc. Evidemment, c'est Noël, donc les couleurs, c'est rouge et blanc, comme Coca-Cola et le Père Noël. Mais les vampires, c'est rouge et noir. Ca fait pas très sérieux, un vampire en rouge et blanc. Sauf que Twilight, c'est pas des vrais vampires (n'est-ce pas, papa?). C'est pas des vampires méchants qui mordent, c'est des vampires amoureux qui font des bisous. Et je pense qu'ici c'est tout à fait le message du changement de code couleur. Sous prétexte d'édition de Noël, ce changement de couleur est aussi une volonté de changement de perception de l'histoire: plus comme 'dark' ou 'Gothic' mais résolument dans le genre 'romance' et je dirais même 'romance chaste'. Le blanc, couleur de pureté, c'est la couleur de la vierge demoiselle qu'est Bella. Le rouge, c'est la couleur du sang qui vient troubler la pureté de cette demoiselle (le rougissement, symbole érotique par excellence de la romance classique). Pensez à Perceval absorbé dans la contemplation d'une goutte de sang sur la neige. Les connotations sont multiples. Twilight abandonne son habillage sulfureux et maintenant banalisé par la quantité de clones tout noirs ou violet foncé qui encombrent les rayonnages, rejette l'étiquette de 'dark fiction' et se rhabille dans des couleurs qui rappellent les histoires d'amour des contes chevaleresques. Et qui en plus rappellent Noël.

3) La tranche est rouge. Le détail qui tue. Déjà, c'est joli. Mais ça a un autre effet: le rouge 'encadre' légèrement la page blanche comme un avertissement, rappelant au lecteur (ou plutôt à la lectrice...) que la chasteté du texte est liserée du rouge sang dont j'ai parlé plus tôt.

Bref, c'est très réussi, cette réédition, je trouve, et ça montre bien le changement de cap dans la perception du bouquin par les éditeurs. Et des vampires dans l'inconscient collectif. Twilight se veut désormais innocent, chaste et familial, mais la tranche rouge est là pour rappeler le côté 'tranchant' de ce traité de Mormonisme aigu.

1 commentaire:

  1. Ben oui! Elémentaire ma chère Clémentine, votre analyse met en exergue la frilosité des vampires de pacotille et l'entreprise marketing d'une écriture qui se passe du verbe...

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