Evidemment, n’importe quel communiqué de presse comprenant
les mots ‘Harry’ et ‘Potter’ l’un à côté de l’autre va faire se transformer les
yeux des journalistes en petits $ scintillants – et c’est ce qui est arrivé la
semaine dernière, quand l’université de St Andrews, en Ecosse, a annoncé la tenue d’un colloque universitaire international sur l’étude littéraire des livres de J.K. Rowling.
St Andrews, photographiée le seul jour du siècle où le ciel était bleu
Comme on pouvait s’y attendre, les journaux angliches ont
réussi à dégoter un ou deux universitaires furibards (et aux propos
probablement déformés) d’un autre bureau de la tour d’ivoire, qui ont exprimé leur
indignation de voir tant de Noises et de Galions dépensés aussi inutilement. Personnellement,
j’aurais tendance à penser qu’en cette sombre période où étudier les lettres
devient de plus en plus compliqué pour tout le monde, on ferait mieux de se
tenir les coudes au lieu de se lamenter que d’autres universitaires étudient
des trucs et des machins qu’on préférerait qu’ils n’étudient pas. Mais bon, c’est
peut-être le genre d’attitude altruiste à la Potter que t’as du mal à
développer si tu passes ton temps à lire James Joyce… (Ouh la vilaine.)
Bref, j’étais à ce colloque, où j’ai présenté un
papier. Et c’était un super colloque, qui a réussi à conserver le bon équilibre
entre une véritable passion pour son objet d’étude et le respect, la précision,
la rigueur intellectuelle auxquels peut mener une telle passion. Je dois dire
que j’étais un peu inquiète au départ, vu que ça aurait pu être la grande fête
du geek vaguement intello. Pottermaniaque dans l’âme, je n’ai rien contre l’idée
de porter des lunettes rondes et de me dessiner des cicatrices s’il s’agit d’aller
faire la queue devant une librairie avant les douze coups de minuit, mais ce n’est
pas ce que j’attends d’un colloque universitaire. Quand tu es physicien
quantique ou spécialiste de Kant, ça ne pose pas de problème que tu fasses des
blagues de geek ou que tu te déguises en onde et en particule : tout le
monde te prend déjà au sérieux, de toute façon. Mais quand tu étudies la
littérature jeunesse, tu ne peux pas te permettre ce genre d’écarts. Il faut
que tu défendes ta discipline contre les forces du mal. Constamment. Comme elle le mérite.
Et heureusement, malgré quelques écharpes de Serdaigle et
quelques sacs à dos Gryffondor, le colloque à St Andrews a parfaitement réussi
son coup. Aucun papier anecdotique, banal, superficiel. Certaines présentations
étaient même extraordinaires : une analyse impressionnante de l’expiation
paternelle à travers le personnage de Rogue, une critique des stratégies
pédagogiques de Poudlard et leur influence éventuelle sur la perception de l’enseignement
et de l’apprentissage chez les jeunes lecteurs, deux études sophistiquées et
subtiles des stéréotypes raciaux dans la représentation des elfes de maison et
des goblins. Bref, c’était galvanisant, rigoureux, et non pas, comme je le
craignais, complaisant ou vaguement hystérique.
Et si ça fait sourire les gens, tant mieux – mais j’espère
que ça les fait aussi réfléchir. Balayer l’étude d’Harry Potter d’un revers de
Nimbus 2000, ce n’est pas seulement se montrer inattentif ou mal informé. C’est
tout simplement faire preuve de malhonnêteté intellectuelle. Je suis sûre –
enfin, disons, j’espère – que dans quarante ans, quand je relirai mes vieux
billets de blog grâce à une puce implantée directement dans mon cerveau, je
rirai avec indulgence en me souvenant qu’il fut un temps où de tels colloques provoquaient
l’ire de quelques vieux barbons. En attendant, j’ai hâte d’en lire les actes, et
je remercie les organisateurs pour ce colloque d’autant plus réussi qu’il l’a
été au nez et à la barbe de toutes les Rita Skeeter du monde.
Vive Harry Potter. Bravo pour ce billet !
RépondreSupprimerBelle journée à vous. Stéphanie
aha je l'avais déjà lu sur ton autre site celui là :) tiens je savais pas qu'on pouvait dire 'un papier' en français pour 'paper'... J'ai toujours cru qu'on disait un article ou qqchose comme ça. Tu m'en apprends des choses.
RépondreSupprimerIls vont en refaire tous les combien des conférences sur Harry Potter? Je trouve ça une très bonne idée, surtout vu le succès de l'oeuvre :-)
Bisous
Agathe
héhé oui t'as vu je fais du recyclage... quant à 'papier', très honnêtement je n'en sais rien du tout! peut-être dit-on 'communication'? pas sûr!
RépondreSupprimerje ne sais pas s'ils vont refaire des colloques, mais en tous cas il y en a régulièrement aux US.
Bises
Dans le genre aussi, l'avocat maitre Eolas avait fait une étude très sérieuse de droit comparé entre la justice française et la justice des sorciers, en s'appuyant sur le procès qui se déroule au début du Tome 5 : http://www.maitre-eolas.fr/post/2005/07/04/152-le-droit-cest-magique
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