La semaine dernière, Son Altesse Divine ma Directrice de Thèse m'a prêté deux bouquins, d'après elle nullissimes, mais qu'il est, toujours d'après elle, 'de notre devoir professionnel' d'avoir lus, et qui font partie de cette nouvelle catégorie rock'n'roll que l'on appelle 'Young Adult Literature' ou 'YA', comprenez 'Littérature pour jeunes adultes'. Qu'est-ce qu'un 'jeune adulte', on se demande. 15-25 ans? 18-20 ans? 20-30 ans? 15-30 ans? Le flou règne. Bref, voilà les deux livres en question: Forbidden ('Interdit'), par Tabitha Suzuma, et The Hunger Games ('Les jeux de la faim'), par Suzanne Collins. Google m'informe que le premier n'a pas encore été publié en France, et que le second a été imaginativement traduit chez Pocket sous le titre, je vous le donne en mille, de The Hunger Games.
Je vous confirme d'emblée que les deux livres sont mauvais, mais je vous conseille quand même de les lire. Ce qui est frappant, c'est la thématique particulièrement trash dans les deux cas, et la manière dont elle est traitée, qui représente tout à fait les tendances de la littérature pour jeunes adultes depuis la création du genre: elle s'enfonce chaque année davantage dans les tréfonds du trash.
Forbidden traite d'une relation incestueuse mais amoureuse entre frère et soeur, avec des scènes de sexe d'une longueur surprenante (les scènes) et d'une précision clinique, que l'on peut difficilement qualifier autrement que comme des épisodes de littérature érotique voire pornographique pour jeunes lecteurs. Personnellement, ce n'est pas ça qui va me faire pousser des hauts cris, mais je constate que c'est particulièrement poussé pour un bouquin qui va se retrouver entre Twilight et le Journal Intime de Georgia Nicholson. Et comme la narration alterne entre le point de vue de la soeur et celui du frère, on a droit à une vision panoramique de leurs exploits sexuels par chacune des parties concernées.
Le second livre, The Hunger Games (à surveiller: énorme bestseller dans les pays anglo-saxons, le troisième tome vient de sortir) va loin dans un autre mode: celui de la violence. Petit pitch rapide: dans un futur dystopique et totalitaire, le district central des Etats-Unis, le Capitole, rafle chaque année douze garçons et douze filles de 12 à 18 ans, vivant dans les districts voisins, pour organiser de grands jeux télévisés, les Hunger Games, au cours desquels les 24 jeunes gens doivent littéralement s'entretuer: le dernier vivant gagne. Vous aurez reconnu la référence à Thésée et le Minotaure, mais elle s'arrête là. Pendant un certain temps je me suis demandé si on allait vraiment voir l'héroïne trucider ses adversaires, pensant que l'auteure trouverait un moyen de se débarrasser des autres ados sans intervention directe de sa protagoniste. Oh pas du tout. La gamine perce le coeur d'un concurrent à coup de flèche, lâche des frelons tueurs sur deux autres, et en affame un troisième. Bien sûr, c'est elle ou eux, donc c'est justifié. Après tout, elle se reçoit un poignard dans le front. Les autres, en comparaison, sont encore plus cruels, tuant leurs adversaires au couteau ou en leur dévissant la tête. Le sang coule à flots. C'est très grand-guignolesque, comme bouquin.
Sexe et violence à outrance, ce n'est pas nouveau et cela ne me choque que très modérément. Maintenant. Mais je me souviens très bien avoir été assez ébranlée pas Junk, de Melvin Burgess, à 14 ans, Eclipse, de Robert Cormier, à 12 ans, et d'autres bouquins plus ou moins similaires où ces sujets-là - et suicide, drogue, inceste, torture - sont traités sans pincettes. Et pourtant j'étais loin d'être une chochotte. Ces bouquins sont peut-être destinés aux jeunes adultes mais ils sont lus par de jeunes ados, voire des enfants. Certains réagiront bien et d'autres moins. La censure est ridicule et inutile mais on peut se poser la question de la responsabilité de l'auteur/e vis-à-vis d'un public qui a une sensibilité différente de la sienne. C'est une question sans réponse.
Hatred in our schools by Keren David
Il y a 1 jour
J'aime beaucoup cette phrase : "avec des scènes de sexe d'une longueur surprenante (les scènes)"...
RépondreSupprimerhi!hi!
;-)
Hunger games est loin d'être "nullissime". Ce qui en est dit ici est vraiment réducteur. Sachez que de nombreux professionnels de la littérature jeunesse vous contrediront. Lisez donc l'avis de Sophie Pilaire sur le site de Ricochet; le 1er tome fait également partie de la sélection des meilleurs livres de l'année 2009 de la Revue des livres pour enfants, ainsi que de celles des bibliothécaires de la ville de Paris. Il en est de même pour le tome 2 qui est un coup de cœur de ces mêmes professionnels. Et enfin, les ados adorent !
RépondreSupprimerEn général je n'approuve pas ni ne réponds aux commentaires non signés, mais bon. Je n'ai pas dit moi-même que le livre est 'nullissime' - je citais quelqu'un d'autre - je dis d'ailleurs très rarement, voire jamais, ce genre de choses.
RépondreSupprimerQuant au reste, il m'est égal que mon opinion soit contraire à celle d'autres professionnels de la littérature jeunesse - ce n'est pas un argument que je trouve pertinent et même si c'était le cas, je répondrais en fait que j'en connais un certain nombre, en GB, qui pensent et disent exactement la même chose que moi. On trouve toujours des pour et des contre, et heureusement.
Les ados adorent, ça, c'est certain. C'est une question très intéressante dont je traiterai peut-être dans un autre billet. Jusqu'à où doit-on prendre en compte le goût des jeunes lecteurs? Dans quels contextes? Personnellement je pense qu'il est très important de savoir ce que pense le public d'une oeuvre jeunesse, mais qu'en aucune circonstance la popularité d'une oeuvre ne doit nous 'effrayer' ou censurer notre regard critique sur un bouquin.
Je m'excuse d'avoir mis ce commentaire anonymement, mais je n'ai à ce jour jamais constitué de "profil", et c'est bien la première fois que j'écris un commentaire dans un blog. Je ne savais donc pas que cela ne se faisait pas. désolée!
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord pour dire que les seules références que j'ai citées précédemment sont insuffisantes, mêmes si elles constituent tout de même un point de vue intéressant et qui n'est pas totalement à occulter. Et oui, les gouts et les couleurs après tout, cela ne se discutent pas toujours. je voulais juste préciser que d'autres ne pensaient pas ce livre si mauvais, dont moi évidemment, et que les ados aiment parfois avec raison un livre, et au-delà d'une quelconque popularité.
Je lirai avec intérêt votre billet sur le sujet.
je ne sais comment signer car je ne souhaite pas mettre mon nom d'usage.
pas de problème! ce n'est pas que ça ne se fait pas, c'est juste ma 'politique' sur le sujet car la plupart des commentaires anonymes sont insultants (mais pas le vôtre, ce pour quoi je l'ai accepté).
RépondreSupprimer