jeudi 23 juin 2011

Le top 10 des questions les plus posées à l'auteur/e débutant/e

Cela fait plus d'un an que mes deux premiers bouquins sont sortis, Samiha et les fantômes et Les petites filles top-modèles chez Talents Hauts, et je me suis dit que j'allais faire une petite rétrospective des 10 questions qu'on m'a le plus souvent posées au cours de cette année. Au cas où t'aurais pas trop le temps d'aller dans le détail t'as qu'à lire la partie en gras et t'auras l'ossature de ma profonde réflexion. J'espère qu'elle te sera utile, auteur/e débutant/e comme moi-même, et/ou questionneur d'auteur/e débutant/e! Ajoute-z-y les tiennes dans les commentaires, dans la joie et la bonne humeur.

10. 'Hého mais oui mais quand même, hein, combien t'en as vendu alors, à peu près, dis?'

Ma réponse était d'abord 'Ben... j'en sais rien.' Ensuite je suis passée à 'Ben... le premier tirage était à 3000/4000, alors après je sais pas trop, hein...' Et puis ensuite, suite à un email de mes éditrices, ma verve s'est faite plus confiante: 'Il paraît que les Petites filles sont l'un de leurs bestsellers' (là le mec s'imagine que ça veut dire qu'il dépasse Dan Brown au compteur) Mais le quidam, mon ami, ne se satisfait pas ce cette réponse. Il faut des chiffres! (On sait pas trop pourquoi mais c'est indispensable.) Préparez donc la réponse suivante:

"Alors écoute j'ai un logiciel magique qui permet de suivre tout ça en temps réel sur mon iPhone. Aux dernières nouvelles de cette semaine Madame Trouffu de l'école Jean-Pierre François en a acheté vingt-sept exemplaires pour sa classe de CM2. La librairie Les Mots Bleus à Saint-Troubillon-lès-Flobarts en a vendu cinq samedi. Le cousin du collègue de ma mère en a acheté un à sa fille, du coup, le compte sur les dix derniers mois s'élève à 2042. Après je te donne le prix HT et mon pourcentage de royalties et tu peux calculer combien j'ai dans mon bas de laine pour voir si tu peux me gratter deux euros cinquante pour le café qu'on est en train de prendre ensemble".

Ayez toujours cette réponse dans votre poche.

9. 'Mais pourquoi t'es pas partie en tournée internationale de promotion?'


Ami, je comprends ton désir intense de me savoir en vadrouille de Dunkerque à Santa Monica à vendre mes deux livres à des fans déchirant leurs chemises. Malheureusement, ça marche pas comme ça pour l'auteur/e en herbe. J'ai été, en effet, invitée à quelques (je dis bien quelques, pas cinquante mille) salons, mais j'habite en Outre-Manchie et l'Angliche refuse de me laisser partir tant que je n'ai pas clos ma thèse doctorale en huit mille pages reliées. Secundo, c'est pas en ayant publié deux livres que ton éditeur te paie un billet de première classe pour aller promouvoir tes oeuvres chez les Québécois.

8. 'Tu passes quand chez Ruquier?'

Boh, tu sais, maintenant que Zemmour et Naulleau n'y sont plus...

Non, sérieusement, je sais que ça te ferait planer si à la machine à café tu pouvais raconter aux potes que tu connais une nana qui est passée à la télé. Mais la vérité, c'est que la littérature jeunesse est sous-représentée dans les médias grand public. C'est génial d'y avoir accès, mais il faut aussi considérer les moyens alternatifs. Je m'estime déjà très chanceuse d'avoir pu faire quelques radios avec Samiha, mais je suis aussi absolument ravie que les Petites filles aient donné de jolis billets de blogs. C'est grâce aux blogs de littérature jeunesse, en très grande partie, que les livres sont promus. Alors merci bloggeuses et bloggeurs!

7. 'Pourquoi je trouve pas tes livres à la librairie du coin de ma rue? Ca veut dire qu'ils sont nuls?'

Oui, exactement.

Réponse alternative: pas forcément. Les librairies sont des endroits géniaux qu'il faut protéger à tout prix, mais elles ont évidemment leurs limites: elles n'ont pas un espace infini. Et par rapport au nombre de livres publiés (tellement énorme que même Einstein il a du mal à l'imaginer), si tu penses que chaque livre publié est constamment en librairie, c'est comme si tu essayais de faire tenir deux cents dominos dans une boîte d'allumettes.

Alors les librairies stockent principalement: 1) les nouveautés; 2) ce qui s'écoule régulièrement; et 3) les best-sellers. Les autres sont remerciés après un certain temps.

Mais ça ne veut pas dire qu'ils n'existent plus que sur Amazon! Si tu aimes bien les livres d'un auteur, et que tu ne les trouves pas en librairie, je t'en prie, commande-les! C'est vraiment un plus pour un auteur, car quand on passe commande en librairie on augmente la visibilité d'un livre auprès du libraire et auprès des clients. Et on soutient indirectement toute l'industrie qui en a bien besoin.

6. 'Et alors à quand la prochaine publication?'


Ca, c'est une bonne question. Et une question stressante. Ce que j'ai appris cette année, c'est que contrairement au vieil adage, ce n'est pas forcément vrai que 'plus on publie, plus on publie'. Du moins, ce n'est pas infaillible. Je publie mon troisième livre, La plume de Marie, en septembre chez Talents Hauts, et je n'ai jamais autant écrit de ma vie, mais la vérité c'est qu'il faut continuer à passer par les mêmes chemins d'écriture-envois-rejets: il n'y a pas de sésame secret! Avec la pression en plus, peut-être, car il faut continuer à publier pour rester dans le coup.

5. 'Tu googles ton nom tous les jours pour savoir ce que l'on écrit sur toi?'

Oui, j'ai installé une alarme qui me réveille au son de 'Soldat lève-toi' dès que quelqu'un écrit mon nom sur Internet. LOL (si c'était le cas elle sonnerait genre une fois tous les trois mois). J'ai googlé mon nom à peu près 3 fois en un an et ce n'est pas une expérience que j'apprécie vraiment.

D'une part, je trouve cela véritablement stressant de découvrir par hasard des critiques, qu'elles soient bonnes ou mauvaises (même si dans le premier cas, ça me fait très plaisir, bien sûr!) Je suis évidemment absolument ravie, émerveillée, honorée qu'elles existent, mais je n'ai jamais voulu devenir une obsessionnelle-compulsive de la critique. Imagine que tu aies la possibilité de trouver sur Internet des critiques de ton bébé. Certes, tu peux tomber sur 'Le fils de Marie-Françoise est un charmant exemple de jeune humanité dont les joues roses ravissent le regard et la voix enchanteresse caresse le tympan.' Mais en un autre clic tu peux aussi tomber sur 'L'abominable petit Séraphin est un gros poupon rosâtre dont on peine à discerner les contours et qui fait preuve d'un manque de conversation inquiétant pour ses dix-huit mois.' Ca retient un peu ton ambition de googler le nom de ta progéniture.

D'autre part, je suis moi-même critique à mes heures de bouquins en tous genres, ici et sur mes blogs anglais, et je veux le faire librement et indépendamment. Je n'aime pas l'idée que l'auteur/e cherche compulsivement à lire absolument tout ce qui se dit sur son livre. Pour moi, la règle numéro un, c'est la suivante: les critiques ne sont pas faites pour les auteurs. Elles sont faites pour les lecteurs, potentiels et réels. Un point c'est tout. Lire systématiquement ses critiques comme si sa vie en dépendait, c'est s'exposer soit à un enflement de cheville colossal soit à de sombres pensées de meurtres. Les critiques ne sont pas faites pour les auteurs. Il faut laisser aux critiques la liberté de penser que leur bilan de lecture ne sera pas lu et ressassé par les auteurs qu'ils égratignent ou encensent.


4. 'Pourquoi tu traduis pas tes livres toi-même en anglais/chinois/martien pour les vendre à l'étranger?'


Celle-là, c'est ma bête noire, surtout qu'elle vient exclusivement de personnes qui disent connaître le monde de l'édition. C'est une question tellement erronnée sur douze mille niveaux qu'il faudrait toute une journée pour réexpliquer comment fonctionne le système éditorial au niveau international.

Commençons par le commencement. Oui, je suis bilingue. Mais si tous les bilingues étaient traducteurs, pourquoi certains s'échineraient-ils à faire des masters de traduction? En posant cette question, tu dévalues indirectement tout le travail extrêmement difficile et extrêmement pointu du traducteur littéraire. Il faut des années d'expérience et d'études pour être traducteur - oui oui, même pour un album de trois cents mots.

Deuxième point. En général, on me dit ça pour l'anglais (c'est ma seule autre langue vu que je suis une ostracisée de Babel). Or, il est malheureusement très bien connu que les anglo-saxons achètent une quantité absolument quantique de livres étrangers. C'est un fait. Il n'achètent rien. Le nombre est négligeable. Ce n'est pas en me ramenant avec une belle traduction de mes deux livres que je changerai leur état d'esprit complètement insulaire.

Et enfin, les droits ne m'appartiennent pas, tout simplement! Même si je développais un talent génialissime pour la traduction littéraire, et même si je trouvais un éditeur angliche désireux de publier ma prose, Laurence et Mélanie de chez Talents Hauts me feraient sacrément la tronche si je décidais de me faire du flouze en Outre-Manchie sur un bouquin dont elles ont obtenu les droits tout à fait honnêtement. (Sauf si, bien sûr, cela se faisait dans les règles du contrat.)

3. 'T'as choisi l'illustratrice, le titre, la mise en page, la couverture et la police d'écriture?'


Non. Je comprends très bien cette question, mais non. Ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas heureuse du résultat. Les éditeurs éditent - ils font des choix éditoriaux. C'est leur rôle. Laurence et Mélanie ont publié quatre-vingts livres avant les miens. Moi: zéro. Qui a le plus d'expérience?

Beaucoup de gens pensent que l'auteur/e a énormément d'influence sur ce genre de décisions mais à moins d'être Amélie Nothomb (et encore!) ce n'est tout simplement pas son travail de prendre des décisions marketing. Il faut faire confiance à la branche de l'industrie qui s'en charge par nature. Pour l'illustration, ça se discute, mais pour l'instant j'ai toujours eu de merveilleuses surprises et je pense que c'est la même chose pour beaucoup de gens. Il faut arrêter de croire que les auteur/es ont une sorte de don magique qui leur permettrait de tout faire.

2. 'T'as rencontré qui comme auteurs?'

Un certain nombre... mais pas dans le cadre de mon écriture! Sous mon autre casquette d'universitaire.

Par contre, ce que j'ai absolument adoré dans l'année écoulée, ce sont les rencontres virtuelles. Toutes les auteures et illustratrices dont les blogs sont listés dans la barre de droite de ce blog, et avec qui je corresponds, et qui commentent mes articles, et dont je commente les leurs, et dont je lis les livres. C'est une ressource extraordinaire, et qui rend l'écriture mille fois moins solitaire! Je recommande vraiment, chaleureusement, sans restriction à tous les auteurs de créer un blog et de discuter avec les autres.
Professionnellement et personnellement, c'est un enrichissement constant.

1. 'Oui, bon, d'accord, mais quand est-ce que tu feras de la vraie littérature?'

Quand le reste du monde commencera à considérer la littérature jeunesse comme de la vraie littérature.

4 commentaires:

  1. J'adooore te lire et le reste du monde n'a qu'à bien se tenir !!

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  2. Merci Anne, j'espère que tu te sens visée dans la catégorie des super bloggeuses!

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  3. Ahahaha! Excellent!
    Je vais me le copier, pour le filer direct quand on me posera des questions!

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  4. Clem, c'est un régal de te lire...

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